Si vous avez le blues, attendez un peu avant de lire cet article car le souvenir que l’on va vous remémorer aujourd’hui n’est pas le plus joyeux de tous ! “Rémi sans famille” est une animation incontournable de notre enfance… Très riche en émotions ce dessin animé a marqué à vif une cargaison de bambins des 80’s ! Enfilez vos bottes, prenez votre harpe et rejoignez le petit monde déroutant de notre ami Rémi !
Bonjour Docteur. Je vais mieux. Je crois même que je vais pouvoir me lancer. La blessure est encore là, sournoise, susceptible de réapparaître à chaque instant. Mais je pense pouvoir y faire face. Courageusement. Je vais y aller. Si vous sentez que je vacille, injectez-moi un tranquillisant. Ou assommez-moi, peu importe, je ne suis plus à ça près.
Rédiger un article sur le dessin animé “Rémi sans famille” nécessite de prendre toutes les dispositions nécessaires pour ne pas sombrer dans une profonde dépression et finir dans une chambre blanche à s’engouffrer 3 kilos de Prozac par jour. Mais ici, on ne recule devant rien pour satisfaire nos millions de lecteurs (et beaucoup plus selon la police). Alors prenons le risque.
“Rémi Sans Famille” est une adaptation très fidèle du roman d’Hector Malot, “Sans Famille”, paru en 1878. En deux tomes, s’il vous plait. Fallait bien ça pour décrire toutes les saloperies possibles que peut subir un gamin d’une dizaine d’année à la fin du XIXème siècle.
On pourrait penser que l’auteur d’une telle histoire a sacrément du en baver dans son enfance. Et pourtant, Hector Malot, mise à part la mort de sa maman survenue assez tôt, n’a pas eu une jeunesse particulièrement dramatique.
Mais force est de reconnaître que ses élans créatifs et le courant réaliste dans lequel il s’inscrit l’ont amené à décrire une société très sombre, très sévère, où l’Homme est un loup pour l’Homme, et tout particulièrement pour les orphelins trouvés qui s’appellent Rémi.
Cent ans plus tard, nos amis japonais décident de reprendre l’histoire de Monsieur Malot, et de transformer ce livre sombre en dessin animé. Tout aussi sombre. Sans réserve ni retenue, histoire de présenter aux enfants ce qu’était la dure réalité d’une société égoïste et injuste, promise aux puissants, où les gentils ne sont pas forcément ceux qui gagnent à la fin.
Une manière de nous dire aussi que nous, saletés de gosses gâtés de la fin des années 70, ne connaissions pas notre bonheur d’avoir comme seule préoccupation de faire fonctionner la dernière Atari ou d’apprendre à sa poupée à dire “Maman”. J’t’enverrais tout ça à la mine, moi, avec juste un morceau de pain et 10 coups de fouet pour les motiver. Nan, c’est vrai, quoi, j’t’en foutrais des Zataris …
Malgré tout, ce dessin animé, anachronique et basé sur la surenchère de malheur, a eu une réelle popularité lors de ses diffusions (dont la première eut lieu en 1982 sur TF1), tout en se forgeant une réputation de “Dessin Animé poissard au possible”. Il a entraîné à sa suite une longue liste d’orphelins de tout poil qui encaissent à 10 ans ce que la plupart de leurs contemporains ne connaitront jamais dans toute leur vie : Sébastien, qui parcoure la France avec sa Belle, Hutchi, la petite abeille orpheline, et surtout Princesse Sarah, qui visiblement a eu le package “Toi, tu vas ramer, et tu en redemanderas”.
En cascade, ça donne la faim qui les tenaille lui et ses compagnons lorsque son Maître est à l’ombre (pour outrage à un agent toulousaing qui avait du le traiter de cong), et l’hiver suivant la mort cruelle des deux chiens Dolce et Zerbino, dévorés par les loups en forêt, et la mort non moins poignante du singe Joli-Cœur qui tient à travailler jusqu’à son dernier souffle pour mourir en héros.
Paroxysme d’un destin acharné, ce rude hiver fut aussi fatal à son père spirituel, le bon Maître Vitalis, mort de froid et d’épuisement au terme d’une nuit infernale, prisonnier du vent glacial et des neiges assassines, et dont le dernier sacrifice fut de protéger Rémi d’une mort certaine en le recouvrant de la chaleur de son pauvre corps de vieillard sur le point de trépasser.
La vache ! Je viens de me relire et … oui, faites comme moi, prenez un mouchoir et n’ayez pas honte. Pleurez, c’est humain. Et ramenez un deuxième oignon, ça va paraître louche tant de larmes avec un seul.
Parce que c’est pas fini ! Quand on pense que Rémi va enfin trouver la paix et la sérénité au sein d’une vraie famille de cultivateurs aimante et soudée, celle-ci vole en éclat lorsqu’un orage de grêle fait faire la même chose aux serres de la famille (voler en éclat, essayez de suivre un peu).
Il connaitra aussi les brusqueries des pensions pour enfants aux mains de tyrans, une explosion de mine qui le fait rester prisonnier durant deux semaines, alors qu’à la base, il venait juste pour dépanner quelques jours, les poursuites par les Forces de l’ordre, les tentatives d’escroqueries des malfrats en tous genres, etc …
Mais, car il y a un mais, Rémi connaitra aussi des moments de joie intense. Comme les quelques mois passés sur la péniche de Mme Milligan, une riche anglaise qui l’accueille lorsque Rémi se retrouve seul avec ses pauvres chiens. Mme Milligan qui se révèlera être la mère biologique de Rémi, et qui de son côté recherche son fils depuis trop longtemps avec Arthur, son autre rejeton. Rémi rencontrera celui qui deviendra son meilleur ami, Mattia, et celle qui deviendra son amoureuse, Lise. Ces deux rencontres lui feront découvrir de belles valeurs : l’entraide et la solidarité dans tous les moments, bons ou mauvais, et les ailes qui nous font traverser la France entière pour retrouver les personnes qui nous sont chères.
C’est certainement ce qui a rendu ce dessin animé si populaire et si sympathique : les malheurs qui accompagnent Rémi ne lui arrivent pas sans raison, et à chaque fois, il se relève plus fort de ces épreuves.
C’est d’ailleurs la clé du dernier épisode (une liberté prise par rapport au roman) : alors qu’il retrouve sa vraie mère et qu’un avenir doré semble lui appartenir enfin, Rémi préfère repartir sur les routes avec Mattia afin de poursuivre son apprentissage de la vie, et de continuer à gagner sa croûte sans rien devoir à personne.
Et oui, il fait une croix sur son Atari et sa poupée qui fait « Maman » pour repartir faire des représentations avec Mattia, son chien Kapi (seul rescapé des débuts de l’aventure) et son nouveau singe.
Ce qui ne l’empêche pas de revenir plus aguerri que jamais : nous apprenons ainsi que Rémi, 10 ans plus tard, deviendra un avocat réputé et épousera Lise. Comme quoi, tout ce qui ne tue pas rend plus fort …
Vous l’aurez noté, la fin est aussi idyllique que furent difficiles les épreuves traversées par notre ami et ses compagnons. On ne va pas faire la fine bouche, mais bon … Savoir à peine lire et écrire, mais décliner une bonne instruction offerte par une riche anglaise et préférer repartir jongler et jouer de la harpe sur les routes, et tout de même finir avocat réputé … Balaise, le Rémi !
Bon allez, ça suffit comme ça, on avait dit qu’on ne se moquerait pas ! C’est juste qu’en revisionnant l’intégralité des épisodes, on est d’avis que le DA aurait gagné à faire une entorse à la fidélité vis-à-vis du roman, et se contenter de la moitié des épisodes. Car après la mort de Vitalis, l’histoire devient plus poussive, les drames se succèdent un peu comme une surenchère de « pasdebolitude ». Mais quand on est enfant, on ne se lasse pas de ces multiples rebondissements, comme on ne réalise pas toute la douleur des personnages et la gravité de la description de la société à la fin du 19ème siècle.
Quoi qu’il en soit, même de nos jours, c’est toujours plaisant à regarder. Les graphismes sont vraiment soignés, avec des effets « presque 3D » (les premiers plans défilent plus vite que les arrières plan), et des écrans qui se figent à la manière de vitraux ou d’aquarelles, lorsque l’action devient cruciale, avec un son strident qui glace le sang.
L’animation n’est pas en reste, et bien que relatant des moments régulièrement tristes, le mouvement et les couleurs ont toujours une bonne place. Et quel plaisir de réentendre la voix de Jean Topart (qui nous narre entre autre les reportages à la fin des Mystérieuses Cités d’Or), nous décrire le quotidien pas toujours rose de Rémi et ses acolytes, ses souffrances, ses états d’âme et ses joies. Tout cela fait que ce dessin animé est à part, et mérite son succès quoi qu’on en dise.
Et d’ailleurs, ce n’est pas un hasard si beaucoup d’objets dérivés sont sortis. Puzzles, poupées, verres, masques, figurines … le lot commun de merchandising s’est très bien vendu à l’époque. Mais ce n’est pas tout. Plusieurs objets plus originaux ont vu le jour. Vous pourrez admirer ci-dessous du bien joli matériel en cuir pour les écoliers, comme cette besace, ou ces petits cartables. La palme du bon gout revient sans aucun doute à la poupée gonflable Rémi sans famille, qui s’avèrera du meilleur effet dans votre intérieur cosy et douillet.
Bref, de quoi largement poursuivre l’aventure de Rémi à la maison, et reprendre une bonne dose de déprime au quotidien. Qu’en pensez-vous, Docteur ? Docteur ? DOCTEUR !! Allez, faut se ressaisir, pleurez pas comme ça, je vous ai dit que ça finissait bien, il épouse Lise et finit avocat ! Même Mattia devient un violoniste de renommée mondiale, et Kapi est toujours vivant !
Faites un p’tit sourire, Docteur, et regardez, pour vous consoler, je vous ai apporté de la tartiflette !! Comment ça plutôt un vrai repas d’homme ? De la soupe et du pain ????!!!!!
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