La chasse au trésor : LE jeu d’aventure des 80’s !!

 

Si un jour votre descendance vous demande quel était le jeu le plus exaltant, le plus passionnant, le plus palpitant des années 80, à coup sûr vous pourrez parler de la Chasse au Trésor.

 

La Chasse au Trésor n’était pas qu’un simple jeu TV. Bien sûr, il en avait tous les ingrédients : des candidats, des trucs à résoudre et du fric à gagner. Mais il y avait tellement plus : de l’aventure, des énigmes, de l’histoire, de la géographie, des images époustouflantes et une belle dose d’adrénaline.

 

Ce programme n’est pas né d’un besoin précis d’une chaîne de télévision, ou d’une sollicitation d’un directeur des programmes. C’est avant tout le bébé de l’incontournable Jacques Antoine, qui a tout fait pour convaincre Antenne 2 de croire en son idée.

 

Si vous ne connaissez pas la carrière de ce monsieur, alors vous loupez beaucoup. Jacques Antoine, grand homme de télévision malheureusement disparu il y a quelques années, était LE monsieur “Jeux d’aventure” du paysage audiovisuel français.

 

On lui doit tous les meilleurs jeux “sportifs” des années 70 à 90 : La Course autour du monde, La Chasse au(x) Trésor(s), Le Grand Raid, Sur la piste de Xapatan, Super Champs, et bien sûr le mythique et toujours d’attaque “Fort Boyard”. Sans parler de jeux TV plus traditionnels comme “Les jeux de 20 heures”, “Tournez Manège”, “L’Académie des Neufs”, ou “Le Schmilblick”. Et encore, ce n’est qu’un échantillon de ses créations, mais ça donne une idée de son CV. Et de son talent.

 

En 1980, Jacques Antoine a encore beaucoup de choses à prouver et à apporter au public. Il réfléchit à l’adaptation TV d’un de ses jeux radio au fort potentiel : “Les chasseurs de trésors”. Diffusé sur Europe 1 à la fin des années 70, ce jeu donnait la chance à un candidat de retrouver quelque part en France un trésor à partir d’une énigme. Jouant en direct, le candidat s’appuyait sur l’aide précieuse des auditeurs qui pouvaient l’aider à résoudre l’énigme et à chercher le trésor sur place. Mais comment transposer ce jeu à la télévision ?

 

Jacques Antoine propose alors de remplacer les auditeurs par un “reporter animateur” qui glanerait sur place des informations et tenterait de trouver le trésor, pendant que le candidat le guiderait à distance. Ce reporter serait filmé bien entendu, et au travail de matière grise posé par l’énigme s’ajouterait une dose de sport et d’aventure.

 

Jacques Antoine y croit dur comme fer, mais il est bien le seul. TF1 ne croit pas du tout au concept (certainement déjà une histoire de temps de cerveau disponible :D), et Antenne 2 ne comprend rien au projet. Le producteur se tourne alors non pas vers une chaîne précise, mais vers un ensemble de chaînes : la Communauté des Télévision Francophones. Plutôt que de présenter son idée avec un dossier papier, il y va carrément avec un pilote.

 

Ce pilote différera de la version finale du jeu, mais on y retrouvera le principal : un candidat en studio doit résoudre une énigme imaginée par la production, en consultant des guides touristiques et en guidant un animateur aventurier qui fait la sale besogne sur place : chercher, creuser, et trouver ce foutu trésor en 45 minutes.

 

Le pilote est tourné dans un endroit pas trop éloigné de Paris. Aujourd’hui, tout le monde connaît cet endroit synonyme d’aventure et de dépassement de soi, mais qui à l’époque n’était qu’une vieille bâtisse abandonnée : Fort Boyard. Et oui, il en a de la suite dans les idées, notre Tonio !

 

Au vu du pilote, la CTF dit “Banco, on le fait”. Avantage pas dégueu : plusieurs chaînes mettront la main à la poche pour financer ce programme qui s’annonce un peu plus coûteux que “Le mot le plus long”, vous imaginez bien. Le programme sera ainsi diffusé en France, Belgique, Suisse, Canada, Monaco et au Luxembourg.

 

En France, c’est Antenne 2 qui s’y colle. La deuxième chaîne souhaite effectivement poursuivre le rajeunissement de sa grille, et proposer des programmes innovants, qui se démarqueront des trucs traditionnels qui sentent encore l’ORTF. Nous avons tendance à l’oublier, mais au début des années 80, Antenne 2 est la chaîne la plus audacieuse, la plus attractive, celle qui recueille le plus d’audience, et qui ose les paris les plus fous. C’est d’ailleurs Antenne 2 qui devait être privatisée en 1987 à la place de TF1, mais c’est une autre histoire …

 

La case horaire choisie par la 2 n’est pas anodine : le dimanche après-midi, vers 18h. Une des dernières occasions de rêver et de s’évader avant de reprendre le train-train du boulot le lundi.

 

Mais avant tout, Jacques Antoine va apporter des changements à sa formule. Il n’est que moyennement satisfait par son pilote, et surtout il sait qu’Antenne 2 se montrera hyper exigeante, et qu’il n’aura pas droit à l’erreur. Il décide donc de mettre 2 candidats à la place d’un seul, ils feront équipe tous les deux et apporteront plus d’échange et de dynamisme.

 

Il décide aussi d’intégrer un hélicoptère à la production. Celui-ci sera le moyen de locomotion privilégié quel que soit le pays ou la région choisie. Un hélico, c’est synonyme de sensations, de vent dans les cheveux, de grands espaces et de vues aériennes imprenables. Si avec ça, les téléspectateurs ne s’évadent pas de leur quotidien, c’est à désespérer !!

 

Mais surtout, changement essentiel et décisif, il fait appel à un quasi-inconnu pour jouer le rôle du reporter. A l’origine, le journaliste sportif (et accessoirement animateur des Jeux de 20 heures) Marc Menant devait jouer le rôle de l’intrépide chasseur de trésors.

 

Mais Jacques Antoine préfère donner sa chance à un jeune d’une trentaine d’années possédant certes peu d’expérience, mais n’ayant pas froid aux yeux. Ce jeune homme a été repéré quelques années avant lors du jeu “La Course autour du Monde” (créé par Jacques Antoine également), et possède toutes les qualités pour réussir, notamment une grande humilité, et un sens total de la dévotion à ses interlocuteurs, qu’ils soient anonymes ou célèbres. Son nom ? Philippe de Dieuleveult !

 

Depuis la fin des 70’s, Philippe de Dieuleveult est journaliste reporter. Véritable globe-trotter, et amoureux des voyages, il participe à plusieurs émissions de reportages sur les différentes parties du monde. Qui mieux que lui pouvait participer à la Chasse au Trésor ?

 

1981 : c’est l’heure de lancer le jeu !! Tout est calé : le concept, les énigmes, les trésors, le plateau, l’hélico, l’animateur trouveur de trésors. La présentation sera effectuée par Philippe Gildas, qui tient à merveille le rôle du présentateur neutre, calme et rassurant.

 

Pour résumer, voici comment se déroule la première version de l’émission : deux candidats (souvent un couple) retrouvent Philippe Gildas en studio à Paris. Le décor est sommaire : un pupitre sur lequel est posé plein de bouquins, et une carte du pays visité en arrière plan. Le pays et la région ont été soigneusement sélectionnés, et le secteur a été passé au peigne fin par l’équipe de production. Philippe Gildas, après une brève description de la zone concernée, décachette une enveloppe, et lit l’énigme à l’antenne.

 

Il s’agit d’une énigme assez longue, pleine de mystères, un mélange de légende, d’histoire et de références géographiques. L’énigme mentionne l’objet qui sera considéré comme le trésor à retrouver. ça peut être un bijou, un livre, un écrin, ou tout autre objet artistique ou non. ça peut même être un animal ! Les candidats commencent alors à éplucher les guides touristiques et les livres à leur disposition. Et ouais, à l’époque, pas de Wikipédia ni même d’Encyclopédia Universalis sur CD Rom … il fallait se palucher à la main 3 tonnes de bouquins, et espérer trouver des indices assez rapidement.

 

Philippe de Dieuleveult, pendant ce temps, mettait son attirail, présentait son équipe, et faisait décoller l’hélico. Et à partir de ce moment, les candidats et Philippe n’avaient que 45 minutes pour trouver le trésor. Ce qui est très peu quand on examine les énigmes, qui semblent au départ totalement incompréhensibles.

 

Les technologies de l’époque ne permettaient d’assurer qu’une liaison audio entre Philippe et le studio. Les images ne parvenaient pas à Paris, les candidats n’avaient que le son et la voix du reporter pour avancer dans l’énigme. En fait, tout était enregistré dans les conditions du direct, image + son, et l’ensemble était mixé au montage : images du studio, images sur le terrain, son sur le studio, sur le terrain, chronomètre, etc … Il est important de le préciser car quand j’étais gamin, je ne comprenais pas pourquoi Philippe de DIeuleveult et les candidats n’arrivaient pas à se faire comprendre. Je pensais qu’ils voyaient les images comme tout le monde, et il m’arrivait de râler : “Mais pourquoi vous lui demandez ce qu’il voit ? Vous voyez bien ce qu’il se passe devant la caméra !! “ 😉

 

Au fil des minutes, les indices décryptés, le puzzle s’assemblait petit à petit. Et si les candidats sont performants (ou chanceux), alors le trésor avait de bonnes chances d’être découvert avant le gong final. Entre temps, le téléspectateur aura eu a chance de découvrir de superbes images, et aura vibré avec Philippe de Dieuleveult et les candidats en studio pendant de longues minutes pleines de suspens et d’évasion.

 

Voila pour le jeu. Niveau sensations fortes, avouez que ça change d’Interville et des Chiffres et des lettres. Non ?

 

Eh bien les téléspectateurs furent visiblement du même avis que moi, puisque immédiatement, l’émission fit un joli carton. Philippe de Dieuleveult devint instantanément une star du petit écran, tant pour ses qualités d’aventuriers que pour sa gentillesse et sa dévotion à l’écran (j’y reviendrai). Antenne 2, pourtant si frileuse lors de la présentation du concept par Jacques Antoine, décide illico de redemander des saisons supplémentaires, et surtout de décaler le jeu au Dimanche soir, en concurrence frontal avec le sacro saint film du Dimanche soir sur TF1. Rien que ça.

De petit jeu du dimanche après midi sans trop d’ambition, La Chasse au Trésor devient en quelques mois un blockbuster du PAF. La machine à produits dérivés ne tarde pas, et dès 1982 arrive dans nos magasins un jeu de société tout rouge, tout plein d’hélicos, et qui à présent fait le bonheur des chineurs en vide-grenier. Cependant, ne vous attendez pas à retrouver les sensations extrêmes de l’émission, hein … ce jeu ressemble plutôt à un Cluedo exotique, qui nous apprend plein de choses sur les différentes contrées du globe.

 

 

Pour la seconde saison, Antenne 2 devient difficile. La chaîne (appuyée par la CTF) trouve quand même à redire, et aimerait que l’émission-jeu ait plus de rythme, moins de temps mort. Il est vrai que pendant les 45 minutes du jeu, on peut parfois trouver des moments de flottement, soit parce que l’hélico se déplace d’un point à l’autre et ne propose pas grand chose de neuf, soit parce que les invités sont empêtrés dans l’énigme et lisent les guides en silence.

Ce petit souci sera réglé en moins de deux par Jacques Antoine. Il décide de donner plus de rythme à l’émission, et propose aux candidats de résoudre non pas une, mais 3 énigmes, toujours en 45 minutes. Forcément, les lieux seront rapprochés, les énigmes plus courtes et plus faciles à résoudre. Mais le gros avantage de cette nouvelle formule est qu’elle nous plonge directement dans l’adrénaline du dernier quart d’heure de l’émission, et ce 3 fois de suite !!

 

L’émission “La chasse au trésor” se renomme donc dès 1982 en “La Chasse aux trésors”. Et ce n’est pas le seul changement, puisque Philippe Gildas est contraint de laisser sa place à regret, il vient d’être nommé Directeur d’antenne d’Europe 1. Il est remplacé par Jean Lanzi , qui ne tiendra pas longtemps le poste (6 émissions !). Ce sera Dider Lecat qui restera le présentateur principal jusqu’à la fin de l’émission. Côté accompagnement, à partir de 1982, une charmante femme viendra apporter des précisions sur les énigmes, en la personne de Marie-Thérèse Cuny, puis de Elsa Manet.

En résumé, seul Philippe de Dieuleveult restera au poste pendant toute la longévité du jeu, personnifiant à lui seul cette émission. Mais on se rend quand même compte au fil des émissions que les producteurs avaient parfois la main lourde sur le sensationnel, et n’hésitaient pas à mettre à profit ses grandes capacités sportives : escalade, plongeon depuis l’hélico, nage en pleine mer, longues courses à pieds, etc …

 

L’animateur tout de rouge vétu a su montrer un nombre incalculable de fois son incroyable condition physique, et surtout qu’il ne rechignait jamais aux épreuves les plus pénibles pour faire gagner les candidats. Parfois même à la limite de se mettre en danger, son abnégation forçait le respect, et l’admiration. En quelques mois, ses galons de star de la télé furent totalement mérités ! Si bien que son autobiographie, “J’ai du ciel bleu dans mon passeport”, sortie en 1984, s’arrache dans tous les Codec de la galaxie.

 

L’émission ayant trouvé son rythme de croisière, continuera jusqu’en 1984. Une bonne partie des pays et des zones touristiques de la planète furent visités et furent le cadre d’une palpitante chasse aux trésors : Las Vegas, le Groenland, plusieurs pays d’Afrique, d’Asie, etc  …

Le succès fut toujours au rendez-vous, l’émission arrivant régulièrement en tête des audiences. Mais toutes les belles choses ont une fin, et 1984 verra la fin de l’aventure de cette fabuleuse émission. Philippe de Dieuleveult réclamait plus de moyens pour son émission, notamment un second hélico qui aurait permis d’avoir des images encore plus belles, plus variées, et de montrer aux téléspectateurs le superbe travail effectué par l’équipe qui le suivait (un cameraman et un technicien au magnéto).

 

Mais Antenne 2 en décida autrement, et Philippe de Dieuleveult préféra jeter l’éponge et se consacrer à d’autres aventures, notamment à faire prospérer sa propre boîte de prod. Reste les souvenirs de cette émission précurseur de nombreux jeux d’aventures telles que Fort Boyard bien sûr, mais aussi La Piste de Xapatan, la Carte aux Trésors et bien d’autres.

 

Ce qui frappe quand on regarde les émissions, c’est tout d’abord l‘enthousiasme qui s’en dégage. ça crie, ça exulte, ça réfléchit à voix haute, le tout dans un brouhaha assez difficile parfois pour les oreilles (non, non, j’ai pas dit pénible, mais on était parfois à la limite 😉 ).

 

Philippe de Dieuleveult prenait tellement son rôle à coeur qu’il n’hésitait pas à hurler dans son micro pour informer de son avancée sur le terrain. Et quand bien même, les candidats et le présentateurs ne l’écoutaient qu’à peine, tant ils étaient absorbés dans leurs bouquins. Si bien que des fois, on est exaspéré de voir ce pauvre Philippe ignoré de la sorte, et on se prend à crier devant l’écran “Mais laissez le parler, bordel, vous voyez pas qu’il a un truc important à vous dire !!!!?? !!!” 😉

 

L’autre chose frappante, voire même surprenante, c’est la gentillesse extrême de Philippe de Dieuleveult. Gentillesse envers absolument tout le monde. Envers les candidats tout d’abord, puisqu’il n’hésitera jamais à faire des prouesses pour les aider. Envers les passants dans la rue ensuite, auprès desquels il glanera des informations précieuses, avec toujours le petit mot gentil, le bonjour et le merci qui vont bien.

 

Et envers ses techniciens surtout, ceux qui le suivent dans l’anonymat, qu’il prend le soin de présenter à tout le monde, et surtout pour lesquels il s’inquiète en permanence. “Attention à la marche”, “Fais gaffe, ça glisse”, “Attends, je vais t’aider”, “N’approche pas, c’est dangereux !” … Autant de petites phrases gentilles qui ne seront jamais coupées au montage, et qui montreront à quel point le bonhomme était aux petits soins pour son équipe.

 

Tout ceci donnera encore une fois raison à Jacques Antoine d’avoir choisi ce jeune inconnu. Une star de la télé n’aurait jamais accepté d’une part de se faire donner des ordres par des candidats, et d’autre part de se montrer si prévenante envers ses troupes.

 

Oui, mais voilà. 4 ans, c’est déjà une belle aventure, et malgré le succès de l’émission, il fut impossible de la poursuivre. D’autant plus qu’Antenne 2 avait prévu de miser le paquet sur une autre émission d’aventures, “Le Grand Raid”. Tant pis.

 

Malgré mon jeune âge, il me reste pas mal de souvenirs de “La Chasse aux trésors”. Au pluriel car je ne me souviens que des deux dernières saisons, mais même avec des énigmes corsées, des histoires un peu rébarbatives pour un môme de 7 ans, j’adorais regarder ce jeu, et accompagner De Dieuleveult dans ses périples.

 

Le voir monter en vitesse dans son hélico, faire des pieds et des mains pour dénicher une aiguille dans une botte de foin, et avoir le coeur qui bat à l’approche du décompte final, et du gong qui annonce la fin du temps imparti … tout ceci me donnait des petits frissons sympa, même si en toute franchise, je ne comprenais pas tout aux histoires locales 😉

Je pourrais vous parler de l’après Chasse aux Trésors, et surtout un an à peine après l’arrêt de l’émission, de la tragique disparition de son animateur vedette, en pleine expédition … Mais non, pas envie. Philippe de Dieuleveult, c’était la Chasse aux Trésors, les rumeurs des services secrets, des barbouzes, d’un assassinat ou d’une bavure, je m’en moque, et je laisse le soin à d’autres de débattre.

 

Il est possible de dénicher quelques extraits d’émissions sur la toile, histoire de se replonger dans l’ambiance de ce jeu qui n’a au final que très peu vieilli. Mais si les éditeurs de DVD avaient la bonne idée de nous sortir un petit coffret de ces émissions, qu’ils sachent que pour nous, il serait là le vrai trésor !!

 

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