Eh oui, ça parait hyper loin, mais souvenez-vous … des champions français dans les années 80, on en a eu une petite flopée, mine de rien. Platini, Prost, Blanco, Hinault … et même le légendaire Ourasi. Mais aujourd’hui, en ce début-juin propice à la baballe jaune et à la terre battue, on va revenir sur la victoire d’un tennisman hors norme, ayant fait la fierté du tennis français il y a tout juste 35 ans : Yannick Noah !
Oui, revenons à une époque où le tennis déclenchait encore passions, émotions, et enthousiasme. Certes, le niveau actuel des Federer, Nadal, Djokovic n’a jamais été aussi élevé, mais qui peut encore affirmer que le tennis est un sport spontané, naturel, passionné ? Certainement ceux qui n’ont pas connu les McEnroe, Connors, Leconte, Nastase, Vilas ou Pat Cash. Des gars capables de vous émerveiller, vous surprendre, vous amuser ou vous faire chialer d’émotion.
L’époque était propice aux gars hors normes. Une époque où les joueurs pouvaient déconner sur un court, se chambrer, sans se prendre un point de pénalité pour “tentative de déstabilisation de l’adversaire”. Une époque où un joueur pouvait crier “BORDEL DE MERDE !!!” après une faute, et péter une raquette, sans se faire huer par un public bourgeois politiquement correct. Une époque où si un joueur souriait en entrant sur le court, on n’en déduisait pas qu’il “n’était pas dans son match, déconcentré, j’m’en foutiste”.
Bref, une époque où le panache, la déconne et le beau jeu étaient parfaitement compatibles. Et même si Yannick Noah n’a jamais fait partie des tout meilleurs joueurs mondiaux, s’il n’a qu’une étoile du tennis à son palmarès, au milieu des années 80, un match avec Noah était l’assurance de tout ceci : un sourire, du beau jeu en finesse, parfois des rigolades, un peu de mauvaise foi aussi (“C’est pas ma faute, c’est ma blessure”, “C’est la météo” …). Mais ça faisait partie de l’ambiance générale, c’était de bonne guerre. Et entre nous, cette mauvaise foi n’était rien comparée à celle de McEnroe. Noah, c’était aussi des coups venus d’ailleurs, à la limite de l’acrobatie, ou de la danse de Saga Africa !
Sans revenir sur l’intégralité de la carrière du champion, abordons cette magnifique quinzaine de 1983, qui 30 ans après, nous fait toujours nous impatienter en nous demandant si un autre français remportera un jour Roland Garros. Du moins chez les hommes.
En 1983, Yannick Noah a 23 ans. Le bel âge pour un joueur de tennis. Il est numéro 6 mondial, fierté du tennis français, tant les talents hexagonaux se montrent inexistants depuis les débuts de l’ère Open. Noah est ainsi le numéro 1 tricolore, meneur d’une génération prometteuse, avec les “p’tits jeunes” Henri Leconte et Thierry Tulasne. Preuve d’un incontestable talent, ces gars-là sont tout de même parvenus l’année précédente en finale de Coupe Davis, exploit non atteint depuis 1933.
Yannick Noah joue depuis 1978 sur le circuit professionnel, possède quelques victoires en tournoi à son actif, mais s’est déjà distingué par son caractère particulier : juste avant Roland Garros, il est en effet menacé de suspension par la Fédération Française pour avoir négligé la Coupe des Nations. Chose dont il n’a cependant pas grand chose à faire, son tempérament légèrement rebelle le rendant assez peu attaché aux grandes instances du Tennis.
Mais en 1983, pas grand chose ne peut l’arrêter. Il arrive à Roland Garros en pleine bourre, et de par son jeu, fait partie des favoris. Il faut dire aussi que la concurrence est relativement raisonnable. Bjorn Borg, ex-grand maître du tennis mondial (et vainqueur 5 fois de l’épreuve), est fraîchement retraité. Yvan Lendl est le principal obstacle sur sa route, très à l’aise sur terre battue et prêt à révolutionner le tennis mondial.
Mais pour le reste, les joueurs sont des calibres à la portée de Yannick Noah : Mats Willander, avec ses 20 ans, est encore jeune (bien que tenant du titre), et Jimmy Connors et John Mc Enroe ne sont pas des spécialistes de la terre battue. Enfin, Guillermo Villas, la bonne trentaine, se montre vieillissant et ne représente pas un grand danger.
Noah annonce ainsi qu’il vient pour remporter Roland Garros, se mettant lui-même une pression stimulante. Il est bien épargné par le tableau de départ, et se qualifie très facilement pour les 8èmes de finale en remportant ses 3 premiers matchs en 3 sets. Les autres grosses pointures se montrent au rendez-vous, la seconde semaine du tournoi s’annonce donc des plus intéressantes.
En 8ème de finale, Noah rencontre l’australien John Alexander, et se qualifie encore une fois facilement, sans avoir concédé un seul set du tournoi. ça commence à sentir bon tout ça. Mais en quarts de finale se dresse le redoutable Yvan Lendl, lui aussi impérial depuis le début du tournoi. Le match sera assez intense, mais au final, Noah l’emporte en 4 sets, sans trop trembler.
La suite s’annonce donc sous les meilleurs auspices. D’autant plus que la demi-finale ne sera qu’une promenade de santé face au compatriote Christophe Roger-Vasselin, qu’il pulvérise 6-3, 6-0, 6-0. Bing. A croire que Roger-Vasselin, par chauvinisme exacerbé, se soit laissé battre comme un sparing-partner pour laisser Noah en pleine confiance ! 😉
Et pourtant … là encore, Yannick Noah ne sera pas vraiment inquiété, et terrassera Willander en 3 sets 6-2, 7-5, 7-6. Non pas que ce match fut facile à gagner, mais Noah était tout simplement imbattable. Il est rentré sur le cours avec la rage, et une motivation que plus jamais il n’a retrouvé sur un terrain de tennis, de son propre aveu. Il était prêt à crever sur la terre battue, et jamais il ne serait reparti sans le trophée.
Sa détermination a payé tout au long de ces quinze jours, et même les plus grands techniciens de l’époque ont du s’incliner face à sa volonté. Mais encore plus beau que la victoire, ce sont les instants qui ont suivi : Yannick Noah s’agenouillant au sol, et se jetant en larmes dans les bras de son père, pour des instants d’émotion rarement vus au tennis. Tout le monde était là pour Noah, toute sa famille, ses amis, et toute la France derrière l’écran de télévision.
Alors, forcément, suite à une telle montée d’adrénaline, difficile de se remotiver. Yannick Noah n’a jamais réussi à atteindre la finale d’un autre Grand Chelem. Il a cependant fait partie du Top 10 mondial pendant plusieurs années, atteignant la 3ème place en 1986, meilleur classement à ce jour pour un Français. Sa carrière déclina lentement dans la seconde moitié de la décennie. Des blessures à répétition et diverses contre-performances le feront plonger au classement ATP en 1990, avant qu’il ne prenne une retraite méritée en 1991.
Il débute alors une reconversion dans la musique, et nous transmet l’ambiance de la brousse avec sa Saga Africa. Carton immédiat, qui l’incita à poursuivre dans cette voie. Non sans avoir offert un ultime trophée à la France du Tennis : la Coupe Davis, en novembre 1991, en coachant Guy Forget et Henri Leconte comme dans un rêve. 58 ans après la fameuse période des Mousquetaires, la Coupe Davis revient en France.
La suite, c’est la musique, et quelques apparitions dans des tournois d’exhibitions, le tennisman ayant laissé un souvenir incroyable aux amateurs de balle jaune, bien que n’ayant jamais été n°1 mondial. C’est aussi quelques prises de positions politiques et engagements caritatifs, et la distinction de Français préféré des Français qu’il obtient très régulièrement.
Tout ceci est bien loin du tennis, et des années 80, donc on va s’arrêter là. Je vous encourage à avoir une pensée pour le bonhomme ce 5 juin, pour commémorer l’anniversaire de cet exploit, et nous souvenir de cette époque où le tennis n’était pas encore un sport de robots sans émotion. Oui, je sais, j’exagère, et en plus je suis un bel hypocrite, car je ne suis pas le dernier à regarder un bon match, et à vibrer devant la beauté du spectacle des joueurs actuels. N’empêche que bon, je retourne quand même me regarder Borg-McEnroe 1980 à Wimbledon, même si je connais la fin !
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