“Allo Julie, c’est Jacky, à bord de la R16 orange Europe 1 ! Je me trouve actuellement à La Tranche sur Mer, derrière une Citroen CX immatriculée 7896 RY 37, qui a sur son pare-brise arrière un bel autocollant Europe 1 à l’effigie de Jean-Loup Laffont … Si le conducteur m’entend, il a juste à se garer sur le bord de la route pour jouer à notre grand jeu Europe Stop !” Qui n’a jamais entendu ces paroles, sur la route des vacances ? Ce jeu fit les beaux jours d’Europe 1 de 1975 à 1985 par ses audiences et sa renommée. Pour nous, enfants des 70’s et des 80’s, ce sont des tonnes de souvenirs auditifs, visuels, et même olfactifs !
Le jeu Europe Stop avait un principe on ne peut plus simple : vous écoutez Europe 1 ? Vous gagnez du blé ! Il fallait “simplement” croiser la voiture bariolée aux couleurs de la célèbre radio, pour qu’elle repère le bel autocollant que vous aviez apposé à l’arrière de votre voiture, ou (plus classe) de la caravane, entre le sticker du “Camping des Hortensias Fleuris” de St Denis d’Oléron et la main de Pif “Le sport, c’est chouette”.
A l’époque, la FM n’était pas libérée, le choix des ondes était bien moins pléthorique. Les auditeurs étaient donc bien plus fidèles et réceptifs. La radio était un média incontournable. Flash infos toutes les heures, jeux, état du trafic sur les routes, retransmissions sportives, chansons … elle proposait ce qui manquait à la télé.
A l’époque, quand on n’était pas à la maison, on était ainsi relié au monde extérieur par les fameuses Grandes Ondes, avec ce son bien pourri en mono sur le transistor de la caravane, dans la tente ou sur l’autoradio de la 504. D’où l’initiative d’Europe 1, apparue à l’été 1975, grâce à deux animateurs vedette : Jean-Loup Laffont et Michel Brillié : proposer un jeu encourageant les auditeurs à écouter la station, à longueur de journée, si possible sans zapper sur RTL, France Inter ou RMC.
RTL a sa Valise ? Europe 1 aura “Europe Stop” ! Avec en plus la brillantissime idée de se servir des auditeurs comme des millions de panneaux publicitaires mobiles, sans que ça ne coûte un seul centime à la station … Comment k’y z’ont réussi l’exploit, demanderez-vous ? Tout simplement en indiquant aux auditeurs que pour se faire repérer sur les routes des vacances par cette fameuse voiture “Europe 1”, ils devront coller à l’arrière de leur véhicule un autocollant à l’effigie des stars de la radio.
Cette distinction permettait à l’animateur d'”Europe Stop” (le plus souvent, c’était Jacky Gallois) de repérer sa cible depuis sa voiture, et d’annoncer à l’antenne la marque et le modèle du véhicule suivi. Et si ça ne suffisait pas, l’immatriculation. Le conducteur (qui devait écouter la radio à ce moment précis) devait alors se garer, et l’animateur lui faisait tirer au sort une des 3 enveloppes, permettant de gagner entre 500 et 10 000 francs. Un beau petit pactole à l’époque !!
Ce jeu devient rapidement une institution radiophonique, au même titre que la Valise RTL ou le Jeu des 1000 Francs sur Inter. Ce n’est pas pour rien qu’en 1976, un an après le lancement du jeu, Europe 1 devient (pour une courte durée) la plus écoutée des radios françaises.
Le succès tient bien entendu dans le fait que les auditeurs étaient tenus en haleine, et “forcés” de rester branchés à leur poste. Mais aussi (et surtout) parce que pour la première fois, une culture de la station s’imposait chez le grand public. Les gens étaient ravis d’apposer les autocollants de leur animateur préféré sur leur voiture, et se sentaient appartenir à la Grande Famille Europe 1, composée de milliers d’automobilistes.
La station personnalisait les autocollants, permettant de mettre un visage sur une voix, et d’humaniser ainsi les prises d’antenne. Tous les animateurs ou presque avaient la chance d’être représentés : les journalistes, comme Jean-Pierre Elkabach toujours chez Europe 1), les DJs (Jean-Loup Laffont, Jacky ou Yann Hegan …), les chroniqueurs, tels Pierre Bellemare ou Madame Soleil, les commentateurs sportifs (Jean-Claude Laval …), les “speakerines” telle que la célèbre Julie, qui est devenue LA voix d’Europe 1, ou les personnalités comme Platini ou Coluche qui avaient leur propre émission.
Les modèles ont changé avec les années, bien sûr, mais le look restait le même : impossible de louper l’autocollant rectangulaire à dominante bleue, avec la photo (en noir et blanc, puis en couleur) et ces slogans inoubliables : “Vivez en Europe 1”, ou “Europe 1, c’est naturel”. Les voitures aussi, puisque la fameuse R16 orange des années 70 laissa la place à une plus discrète Renault bleue dans les 80’s.
Ces autocollants se trouvaient le plus souvent dans les stations service du partenaire Shell. Ils étaient distribués gratuitement, on pouvait alors raffler la collection complète, et choisir son animateur favori qui aura le privilège d’orner la R12 de papa.
Le jeu fut tellement populaire qu’il inspira une scène du film culte “Le quart d’heure américain”, avec Anémone et Gérard Jugnot. Vous verrez, c’est à peine exagéré !! 😉
Devant le succès de l’opération, les tentatives de la concurrence de faire apposer leur sticker aux automobilistes ne tardèrent pas : RTL, RMC, France Inter, toutes les grandes stations conçurent un adhésif destiné aux 4L, Estafet et autres Simca 1000 des automobilistes. Mais le seul que la postérité a retenu, c’est l’autocollant Europe 1.
Je vous ai annoncé en début d’article que pour les enfants de l’époque, c’était des souvenirs auditifs (le jingle et la voix de l’animateur), visuels (la voiture, les autocollants), et même olfactifs. Tout simplement parce que quand je revois ces autocollants, je retrouve immédiatement cette odeur des vacances à la mer, ces caravanes meublées en formica sentant bon le renfermé après 10 mois sans voir le jour, ou ces tentes pleines de sable et de matelas dégonflés. Dans les campings, ces autocollants étaient collés partout, je m’amusais à faire des stats sur les animateurs les plus présents derrière les caravanes !
Et même encore maintenant, j’ai toujours le réflexe de regarder au dos des camping car et des caravanes au cas où ce précieux témoignage de notre enfance serait encore là. Autant vous dire que j’ai dégainé l’appareil quand, il y a quelques mois, j’ai découvert sur un parking cette vieille Peugeot 304, orné d’un beau sticker bleu à l’effigie de la station. Quel dommage, je n’avais pas d’enveloppe remplie de billets de 100 francs sur moi !!! ^^
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