Salut !
Ton témoignage sur cette émission est très intéressant et en plus, assez vrai, dans le fond. Cependant, même s'il est vrai que les morceaux de rap et la manière de rapper de l'époque font un peu kitsch ou ringard, comme tu le dis, il faut pourtant reconnaître que Sydney, en France, c'était l'ambassadeur du vrai Hip Hop, tel qu'il devrait être encore aujourd'hui, à savoir une affaire de gens passionnés et concernés par les messages que ce mouvement, à portée politique, culturelle et sociale indéniable, est censé porter.
Le Hip Hop est né de la contestation des injustices sociales et des violences et discriminations racistes à l'égard des noirs américains, mais aussi à l'égard des populations blanches défavorisées. Les premiers textes des Last Poets étaient déjà lourdement chargés politiquement... Et eux, ce sont les précurseurs du Slam... Abd Al Malik et Grand Corps Malade ont juste pris un train en marche...
Pour poursuivre mon raisonnement, quand tu regardes des textes de Public Enemy ou KRS One, (c'est surtout vrai pour Public Enemy, d'ailleurs), les textes étaient là aussi très fortement connotés politiquement, et parfois même super extrémistes... Il y pas mal de choses qu'ont pu dire les Public Enemy avec lesquelles je ne suis pas d'accord, parce que quand on combat des injustices, on ne peut pas se permettre d'utiliser ce combat pour propager des idées qui vont à l'encontre de ce contre quoi on a choisi de se battre...
Tu prends un mec comme Afrika Bambaataa, fondateur de la Zulu Nation, son message de l'époque était Peace, Unity, Love & Havin' fun... Et pourtant, même encore maintenant, je doute fort qu'on ait envie d'être Peace & Love quand on voit à quel point les inégalités sociales progressent et pas seulement aux states, berceau du Hip Hop... Ce rap-là, comme tu le soulignes très justement, il était à cent lieues de ce qu'on connaît aujourd'hui, avec les exemples que tu as cités... A entendre les rappeurs d'aujourd'hui, la marche du monde n'est qu'une affaire de filles et d'argent faciles et qu'on règle tous les problèmes à coups de bang bang, et terminé... Quand tu vois comment a fini Tupac Shakur ou encore Notorious Big, tu te dis franchement que c'est n'importe quoi, et quand t'es un minimum intéressé par le Hip Hop, et que t'en comprends le message essentiel, t'as franchement mal au coeur...
Et en France, on ne fait pas mieux... Nos rappeurs français sont, pour certains d'entre eux, incapables d'énoncer un message clair, concis, percutant... Les seuls qui y arrivent encore, à mon sens, sont des gens comme La Rumeur, Fabe, Casey, Rocé, IAM, Assassin et la Clicqua... Tous les autres sont tombés dans une espèce de soupasse qui se veut être le témoignage des galères de banlieue mais qui n'a plus aucune puissance politiquement et socialement... Nan parce qu'entendre des mecs raconter leurs exploits quand ils esquivent des contrôles de la RATP ou de leurs courses poursuite avec les keufs, franchement, pour du rap, ça fait léger, c'est vraiment n'importe quoi... Et à cause d'eux, les vrais passionnés de Hip Hop, les rappeurs et slammeurs qui ont un vrai talent, qui savent écrire et parler autrement que sous la prose soporifique et ennuyeuse d'un Doc Gynéco, par exemple, ils existent toujours... Mais ils passent pour des guignols et des gens peu crédibles, tout ça parce que ceux qu'on met en avant font n'importe quoi avec ce mouvement... Et puis musicalement, les français sont à la traîne... Niveau Flow aussi ! Je connais pas beaucoup de monde en France capable d'égaler des prestations comme celles de KRS One, House Of Pain, et d'autres, et atteindre le niveau musical d'un RZA ou d'un Dr Dre... Parce que c'est bien gentil de nous coller des samples de films de gangster et de mafia, mais ça devient vite lourd si c'est repompé à l'infini... Le Rap en France est malade.
Bien sûr, j'ai conscience que tout ce que je viens de dire jusqu'à maintenant m'éloigne un peu du sujet, puisqu'en fin de compte, avant, quand on regardait une émission comme Hip Hop, on ne s'emmerdait pas avec toutes ces considérations... Nous étions tous des gamins pour la plupart, et pour te parler de moi, j'ai vraiment découvert le Hip Hop en 1990 avec les bandes de zoulous et les premiers tags... Avant, si on m'avait dit que le Smurf et le Breakdance faisaient partie du Hip Hop, et que déjà, en 1978-79, t'avais des mecs comme Seen ou des gens comme les T-KID ou le Tats Cru qui cartonnaient tout le métro New Yorkais, j'aurais rien compris...^^
Et puis, bien sûr, je ne peux qu'être d'accord avec toi quand tu dis que l'émission avait un côté positif et que les valeurs qui en ressortaient n'avaient rien à voir avec celles qu'on prône dans le rap actuel... Ca allait beaucoup plus loin que ça, même... C'était une émission citoyenne, civique, où on apprenait aux gamins à échanger, à se respecter, et surtout, à proscrire toute forme de discrimination et de haine... Cette émission-là, comme j'ai déjà dû le dire ici, elle était autant d'intérêt et d'utilité publique que les nuits du ramadan ou les émissions spéciales contre le racisme... Qu'est-ce qu'il reste de tout ça, aujourd'hui ? Plus rien... Ces émissions ont disparu corps et bien des chaînes de télé, à la place on a mis des programmes lourds de connerie, abêtissants au possible, et surtout, mettant en avant des valeurs d'égoïsme, de concurrence, d'individualisme et de j'en-foutisme... C'est la merde c'est ça ? Bah, pas grave, ça n'arrive qu'aux autres... Et puis de toute manière (je cite ce que j'ai entendu de la bouche d'un adolescent il y a une heure) : "Si t'as pas de Blackberry ou d'Iphone, t'es rien, et tu fais rien dans la vie..." C'est triste... Je sais, ça fait un peu genre vieux poncif d'extrême gauche énervé toute l'année, mais c'est vrai...
Qu'est-ce que tu peux faire... On n'a plus que la nostalgie de nos jeunes années et du "c'était mieux avant" pour avoir du baume au coeur, aujourd'hui, en espérant que cet âge d'or que nous avons tous vécu, sur ce forum ou sur d'autres, revienne un jour et qu'il gomme tous les soucis et les emmerdes de nos vies actuelles...