Le bloc-compteur de la Citroën GSA, un élément très « tableau de bord 80’s » !

En été 1979, alors que la bonne GS de Citroën commence à vieillir et à moins se vendre, la marque au double chevron lance sa remplaçante, la GSA. En dehors de nombreuses améliorations, la caisse est la même en 5 portes, le chrome est remplacé par du plastique, l’intérieur est entièrement redessiné. Adieu au coffre brise-reins, enfin arrive un hayon plus pratique. Ce modèle doit assurer une transition avant le lancement de la BX prévu pour 1982.

Fort de sa tradition futuriste, la marque joue la carte de l’audace, en proposant un tableau de bord résolument tourné vers l’avenir que les années 1980 incarnent. Elle avait déjà donné la « lunule » de Michel Harmand pour la planche de bord de la CX modèle 1974, et l’expérience est renouvelée avec les mêmes compteurs à tambour tournant sous une loupe. Ce serait probablement Harmand qui a dirigé le projet avec son équipe.

 

On ne sait pas à quoi on a affaire, le bloc compteur semble déstabilisant, à tel point que lorsque je le vis la première fois à l’âge de dix ans je ne comprenais rien de son fonctionnement, ou de son mode de lecture ! Il aurait plutôt sa place dans un avion, non ?

 

Qu’on en juge : le bloc est très géométrique, et présente un ensemble parfaitement symétrique dans un carré. Un diagramme vert représente la voiture en coupe, avec des voyants lumineux de chaque côté et un gros voyant STOP au dessus. Les lignes renvoyant aux organes concernés ressemblent à des pistes de circuits imprimés.

 

Au démarrage les voyants d’alerte s’allument avec le voyant STOP et s’éteignent s’il n’y a pas de problème détecté. Le tout est éclairé par derrière et plus intensément quand on allume les phares, même chose pour le compteur de vitesse à gauche, éclairé sous une loupe, donnant comme une balance la vitesse en chiffre de 20 en 20 km/h, avec des indications en rouge des distances d’arrêt, à droite un compte-tours électronique avec zones d’avertissements en rouge au-delà de 5 000 tr/min, en bas jauge d’essence, montre digitale verte ou bleue en vis-à-vis, le bouton « œil » servant à contrôler le fonctionnement correct des voyants d’alerte.

 

Bien sûr le tout est coloré, et les tambours sont d’abord verts, orange, bleu, jaune puis noir à chiffre orange dès l’année-modèle 1983. Le vert était, paraît-il, difficilement visible en conduite nocturne… Ce que je recommande à ceux qui veulent profiter pleinement de ce curieux bidule, quelques kilomètres de nuit.

En fait, la marque cherchait à faire futuriste et simple, avec l’affichage direct des chiffres de vitesse qui fait gagner du temps au conducteur, l’absence de petits compteurs à surveiller, la simplicité d’une « centrale de commande » ou d’un « écran de contrôle » comme le vantait les pubs…. Si rien ne s’allume c’est que tout va bien à bord ! On sent la tendance à mettre en avant l’électronique qui est très propre à cette époque. Certains enfants adoraient ce design il suffit de voir les forums internet, où les souvenirs se déballent anonymement.

 

Chez Citroën on savait peut-être que l’ensemble ferait penser aux voyages sur la lune étant donné les thèmes présents dans les brochures publicitaires comme la conquête de l’espace, titre d’une page en 1984, avec un véhicule dont le toit et les montants ont été sciés, les vitres démontées. Maintenant, un passage d’une photo ou animation par un logiciel informatique ferait économiser à la marque le prix d’une berline ! En 1984, et jusqu’à la fin, les catalogues sont envahis par les couleurs fluo qui évoquent la modernité via les lumières des tubes néons, bref plus la voiture vieillit, plus elle doit passer pour une jeunette bien de son temps…

 

Tableau de bord d’avion, de vaisseau spatial ? Combien de gens ont été interpellés voire traumatisés par cela ? Tout est sous la main, sous les yeux, peut-être avec l’idée de s’adapter à une clientèle cherchant la modernité émergente des années 80, d’autres pensent qu’on a voulu s’adresser à la clientèle féminine qui aime la conduite facile, même si la direction demande un peu de muscles à ces dames, surtout en manœuvres. Les satellites de commande ne manquent pas d’allure et sont ergonomiques.

 

Il existe de nombreuses variantes de ce tableau de bord (une vingtaine au bas mot) fabriqué par Veglia puis Jaeger, le client ne pouvait choisir la couleur des compteurs, elle changea à partir de 1981 où le vert cède la place à l’orange, le jaune et le bleu, en version simple « entrée de gamme », compteur de vitesse à gauche, montre quartz à droite et nom de finition sur l’emplacement de l’horloge numérique (« GSA » en base, « Spécial », « Club »), le modèle spartiate de base n’ayant qu’un double chevron à la place de l’horloge de droite, tout de même éclairé pour celui qui pourrait oublier qu’il se trouve dans une Citroën.

 

Quelques variantes possèdent un compteur de vitesse de couleur différente du double chevron remplaçant l’horloge, mais le nombre de combinaisons n’est pas connu pour ce cas. Les versions sport et luxe (« X3 » et « Pallas ») ont droit au bloc complet, dont les derniers stocks seront écoulés sur la GSA Spécial modèle 1986, la dernière vendue.

 

En 1981 s’ajoute un voyant de starter, un autre pour feux de route puis un « éconoscope » : petit gadget qui indique une trop forte conso en cas d’accélération lourde, un voyant jaune s’allumant, changeant à l’orange avant qu’un second voyant orange foncé ne le relaie…. Citroën a fait fort !

Jamais ce principe n’a été repris, même si les premières BX ont une planche de bord digne de Star Wars, avec le compteur à tambour au centre… Il s’agissait de rajeunir un modèle vieux de dix ans, de rentrer dans les années 1980 en donnant peut-être un avant-goût de ce que l’on ferait dans le futur, même si le dessin aurait pu se trouver dans un jeu vidéo ! Une rumeur disait que les créateurs du dessin animé Albator avaient repris l’idée en présentant un tableau de bord avec profil du vaisseau et voyants, satellites de commandes… Ils auraient eu un procès en plagiat de la marque et auraient perdu… mais ça reste à vérifier.

 

En attendant, vous pouvez admirez ce bloc-compteur en situation si vous allez par curiosité sur Youtube, et vous pourrez baver devant le génie des designers de nos chères années 80. Rarement, un grand site d’enchères en ligne propose ce genre de produit, encore dispo dans les casses voire aux encombrants si vous cherchez un peu. Vu la solidité du machin, rebranché à une voiture 20 ans après, il marche encore. Malgré son aspect de « plastique fragile », il n’est pas de la camelote.

 

Curieusement, les livres sur la GS/GSA ne montrent pas ce tableau de bord malgré son originalité, bien que les collectionneurs aient à nouveau de l’intérêt pour cette voiture unique qui a été le symbole des années 70 dans sa version GS, et dont le prix est passé de 12 000 à 60 000 F environ en seize ans de carrière, inflation oblige. Voiture des classes moyennes, des familles, de votre instit sûrement, elle produisait un son particulier du fait du quatre cylindres à plat, vous ne l’avez sans doute pas oublié. Elles sont parties pour le royaume des boites de conserve vides en 1994 avec la prime à la casse, qui les retire de leur décennie de splendeur, mais pas en beauté. Quelques-unes partirent en Hollande où les amateurs du double chevron ne se comptent plus. Les années 80 avec les designs osés, non-conformistes, étaient déjà derrière nous… Seul me reste ce bloc-compteur AM 1980 comme bibelot de bibliothèque, un collector !