Le groupe Europe : Les hard-rockeurs de la FM !!

En 1986, l’Europe accueille dans sa communauté l’Espagne et le Portugal, offrant à la péninsule ibérique des possibilités de développement commercial et économique sans précédent. Comment ça, vous vous en foutez ? On n’est pas là pour parler d’Europe ? AAAhhhhh, le groupe Europe ??!!!! OK, je reprends …

 

En 1986, Europe conquiert non pas l’Espagne et le Portugal, mais carrément le monde entier, avec un album et une chanson qui fera date dans l’histoire du hard et du rock : The Final Countdown !

 

Mais Europe n’est pas le groupe d’une seule chanson ! Bah oui, sauf coup de bol monumental ou incroyable coup de piston, on ne devient pas maître du monde en un claquement de doigt. Revenons en arrière, à la fin des années 70. Notre histoire se passe en Suède, pas loin de Stockholm.

 

Europe, c’est avant tout un chanteur, une belle gueule, et un excellent musicien : Rolf Magnus Joakim Larsson. Ce dernier, s’apercevant qu’avec un nom pareil, il aurait plus de chance de vendre des cuisines chez IKEA que des disques de rock, se pseudonymise à bon escient “Joey Tempest”. Ce mec est l’âme du groupe, son principal compositeur, sa tête pensante.

 

Mais Europe, c’est aussi un boudiou de bon guitariste, John Norum. Ce guitar-hero a un sens incroyable du riff, et un jeu aux racines bien bluesy, bien rock, qui se mélange à merveille avec le côté FM de Tempest. Europe a donné ses meilleures chansons avec ce duo de folie, potes depuis l’adolescence.

 

En 1978, la première mouture du groupe émerge, avec Tempest et Norum bien sûr, accompagnés de Peter Olsson à la basse (rapidement remplacé par John Leven), et Tony Reno à la batterie. Influencé par le hard rock à l’américaine, celui des grosses mélodies FM et des refrains immédiats, dans le style de Journey ou de Van Halen, mais aussi par le métal britannique, et ses sonorités épiques, voire progressives (Thin Lizzy, Deep Purple …) Europe ne s’appelle pas encore « Europe », mais « Force ». Un nom qui fait un peu moins rêver, c’est sûr, mais qui sied bien à son style, un speed métal typique à l’européenne.

 

Comme tout groupe de rock ni anglais, ni américain, les débuts sont laborieux. « Force » produit une première démo, qui se voit rembarrée par toutes les maisons de disques, au prétexte qu’ “un groupe suédois ne pourra jamais percer dans le hard-rock”. ça, c’est l’effet magique d’Abba …

 

Ce n’est que grâce à un tremplin organisé par une radio suédoise que « Force » retrouve un peu de confiance. Un pote de Joey Tempest envoie une cassette au jury, qui semble apprécier la zique, puisque le groupe arrive 1er devant 400 autres prétendants, Joey Tempest étant révélé “Meilleur chanteur”, et John Norum “Meilleur guitariste”. Rien que ça. Entre temps, Force s’est renommé Europe en plein milieu du concours, et a enfin enfilé les habits de groupe international.

 

Le premier album d’Europe voit le jour en 1983, et s’appelle … Europe. Le ton est pour le moins rude, assez éloigné du son FM qui envahira les radios quelques années plus tard. Le groupe propose un heavy metal de très bonne facture, accessible, mais bien rentre-dedans, avec des titres déjà prometteurs tels que “Seven Doors Hotel”, ou la moins connue “Children of this time”. Les influences des aînés européens se font sentir, mais on devine déjà le potentiel. Le public suédois ne s’y trompe pas et réserve un bon accueil à l’album. Les japonais, dont le bon goût musical n’est plus à prouver, se laissent aussi convaincre et hissent Europe dans le Top 10 de leurs charts.

 

Fort de ce bon début, Europe enchaîne, et sort un an plus tard son second album, “Wings of Tomorrow”. Opus qui confirme tout le bien qu’on pense de ces 4 petits jeunes hard rockers. L’Europe fait de plus en plus les yeux doux au groupe éponyme, et succombe aux excellents titres que sont “Stormwind” et le redoutable “Scream of Anger”. N’en déplaise à ceux qui ont pris le train en marche, Europe n’a pas attendu 1986 pour composer des chansons incontournables. Wings of Tomorrow regorge de petites pépites résolument hard, ainsi que de quelques ballades, tantôt très réussies (“Open your heart”), tantôt poussives (“Dreamer”).

 

Reste à amorcer le délicat tournant du 3ème album. En effet, la qualité d’un groupe est souvent jugée sur cette étape. En général, les deux premiers albums d’un groupe marquent sa personnalité et lui permettent d’affirmer son style.

 

Le troisième est souvent celui de la maturité, et permet de voir les progrès faits dans la composition, la manière de se démarquer de ses influences, et l’évolution des musiciens. Il permet au groupe soit de se vautrer et retourner dans l’anonymat, soit d’exploser à la face du monde et de tout cartonner.

 

Europe illustrera parfaitement cette seconde alternative. Pourtant, tout ne part pas idéalement, puisque le batteur Tony Reno quitte le groupe en pleine tournée de Wings of Tomorrow. Il est remplacé par Ian Haugland, pari risqué puisque ce dernier était presque un inconnu sur la scène rock suédoise. Et tant qu’à faire, le groupe engage Mic Michaeli, se dotant ainsi d’un vrai claviériste, permettant à Joey Tempest de se consacrer pleinement au chant.

 

Ce tant attendu 3ème album sort en mai 1986. Comme pour illustrer l’impatience du public, il s’intitule “The Final Countdown”. Et là, comment dire … on ne peut plus parler de succès. Le terme “raz de marée” serait plus approprié. L’album cartonne un peu partout sur le globe, et conquiert enfin le marché américain. Faut dire que la grande place accordée aux synthés et aux mélodies entraînantes ne peut que séduire un public Outre-Atlantique qui ne demande que ça. Mais c’est surtout en Europe que le groupe devient énorme. Le ton est donné quelques mois avant la sortie de l’album, par le premier single.

 

Une chanson qui marquera l’histoire du Rock, en devenant un classique intemporel. Il s’agit bien entendu de la chanson portant le même nom que l’album, “The Final Countdown”.

 

 

A l’origine, cette chanson ne devait pas figurer sur l’album. Il s’agissait d’un simple riff composé en 1981 par Joey Tempest sur un vieux clavier, entre deux compos plus sérieuses. Puis ce court morceau est tombé aux oubliettes quelques années, avant d’être sorti des cartons par hasard. Jon Leven, le bassiste, incite alors le chanteur-compositeur à écrire une chanson complète à partir de cette base prometteuse. John Norum, lui, se montre plus catégorique, et dit que ce truc est trop nul pour être utilisé. Coup de bol, personne n’a tenu compte de son avis 😉

 

Tempest va au bout de la compo, et souhaite en faire un opening, vous savez, ce type de chanson qui ouvre les concerts, destinés à chauffer le public (à l’instar de Jump, de Van Halen, par exemple). Jamais le groupe n’aurait imaginé en faire un single, et qui plus est en faire un carton planétaire. C’est pourtant ce qui va se passer quand la maison de disque décide d’en faire profiter les radios et le public. Dans 25 pays, le titre se classera n°1. Et notamment en France, patrie de Peter et Sloane, de Jeanne Mas et de Licence IV. Je me demande encore comment cet exploit a pu être réalisé, tant j’ai toujours désespéré des goûts musicaux de mes compatriotes.

 

The Final Countdown envoie la sauce bien sévèrement, et devient un incontournable du groupe suédois.

 

L’album cartonnera lui aussi autant que le single, avec une qualité constante de bout en bout, et des titres qui deviendront de véritables hymnes. Pensez donc : avec “The Final Countdown”, “Rock the Night” et “Cherokee”, le groupe propose un tryptique d’enfer, musclé et entraînant. Il sait aussi la jouer plus calme, avec la balade “Carrie”, qui atteindra la première place aux USA, bien qu’à titre personnel je la trouve très en-deça des autres ballades du groupe.

 

A vrai dire, le seul gros défaut de cet album, c’est la chanson “On broken Wings”. Non pas qu’elle soit mauvaise. C’est plutôt tout le contraire. Cette chanson n’est “que” la Face B de “The Final Countdown”, alors qu’il s’agit d’un titre unanimement reconnu par les fans comme un véritable chef d’oeuvre, peut-être même leur meilleur morceau … et qu’elle ne figure même pas sur l’album. Quel dommage !

 

 

Avec ce coup de maître, Europe devient un grand du Rock européen, et réalise un grand écart médiatique. Le groupe vit alors un moment insensé, en étant aussi populaire auprès des jeunes minettes, que des hard-rockeurs. A ma connaissance, il s’agit du seul groupe à avoir réussi l’exploit de faire la couverture des magazines “Top50” et “Enfer Magazine”. En passant bien sûr par OK Podium, Salut !, etc …

 

 

Mais on ne fait pas le grand écart sans se faire quelques dommages (surtout pour un groupe de mecs, si vous voyez ce que je veux dire …). Europe, en devenant une star des médias, en faisant les couvertures des magazines pour midinettes, en étant diffusé sur la bande FM jusqu’à plus soif, s’attire les foudres des puristes. Il n’est plus considéré comme une formation de hard rock, mais comme un vulgaire orchestre de variétoche tout juste bon à passer chez Drucker. La frange la plus intransigeante des fans metalleux crie au sacrilège, et ne veut plus entendre parler de ce groupe, dont les permanentes paraissent aussi peu naturelles que la sincérité de leur musique.

 

Il faut bien reconnaître que l’ajout artificiel de cris de gonzesses pré-pubères en délire sur la vidéo de « The Final Countdown » est totalement ridicule, et que le groupe donne le bâton pour se faire cogner dessus. Ceci dit, j’ai toujours trouvé ce traitement injuste pour ces groupes, comme s’il était interdit d’avoir du succès quand on se revendique hard rockeur. Bon Jovi, Def Leppard ou Scorpions en ont fait les frais eux aussi …

 

En attendant, tout va bien pour Europe, artistiquement et commercialement. Sauf pour son guitariste, John Norum, qui lui ne se reconnaît plus dans ce groupe, dans sa musique, et surtout dans cet insolent star system où la musique compte désormais moins que l’apparence des musiciens.

Il quitte le groupe pendant la tournée qui suit, et sera remplacé par Kee Marcello. Ce guitariste est un excellent musicien, et pourtant, le départ de John Norum constitue une perte immense pour le groupe, qui s’en apercevra assez vite.

 

1988 voit débarquer le nouvel album “Out of this world”. Également très attendu, le disque démarre en trombe, se vend plutôt bien, les tournées affichent complet, et pourtant … il manque un petit quelque chose pour en faire un nouvel album incontournable. Beaucoup attribueront ce manque à l’absence de John Norum. Peut-être tout simplement que le groupe a voulu éviter les risques, et a reproduit la recette de “The Final Countdown”, avec des compos beaucoup moins fortes. C’est pour ma part l’impression que j’ai, les nappes de synthés devenant assez grandiloquentes et pas toujours judicieuses. Rassurez-vous, on y trouve du bon, du très bon même, comme ce superbe “Superstitious” 

 

 

Le disque marche bien, mais le groupe perd une partie de sa confiance, et beaucoup d’affection du public. Le public “OK Podium” les lâche et ne parle plus d’eux, et les hard rockeurs, rancuniers, ne reviennent pas pour autant dans le fan-club.

 

L’accouchement de leur cinquième album se fait donc dans le doute et la douleur. Il débarque en 1991, période délicate qui voit le hard rock traditionnel perdre en popularité, et surtout voit la concurrence d’autres groupes majeurs qui sortent en même temps des disques référence (Guns N Roses avec “Use your Illusion”, Metallica avec le Black Album, Nirvana avec “Nevermind”).

 

L’album a pour nom “Prisoners in Paradise”, et on se demande s’il n’est pas autobiographique tant il illustre bien la position du groupe : prisonnier d’une image de rockers pour grand public, certes confortable, mais de moins en moins crédible. Les résultats commerciaux seront décevants (même si bien des groupes seraient ravis de vendre autant). Les tournées ont toujours du succès, mais il est fort à parier que le public se déplace pour les vieilles chansons de l’époque “Final Countdown”.

 

Pourtant, cet album est extra, c’est mon préféré de toute la discographie d’Europe. Le groupe laisse (un peu) tomber les synthés, et retrouve un son spontané, très marqué “Hard US”, à la Warrant ou Bon Jovi, et des compos pêchues. Mais que voulez-vous, nous sommes dans les années 90, et le style musical entre en pleine désuétude … Le disque lorgne aussi pas mal vers les sonorités BonJoviesques, et les américains ont toujours préféré l’original aux copies.

 

C’est ainsi dans une indifférence un peu générale que le groupe décide d’arrêter les frais. Pas de séparation officielle, mais chaque musicien se consacre à des projets solos. Europe entre en sommeil, laissant la place enviée de plus gros groupe suédois à … Ace of Base. VDM.

 

John Norum et Joey Tempest sortent plusieurs albums solo dans les 90’s (s’invitant au passage réciproquement dans leurs projets), et la maison de disque publie un Best Of “1982-1992” qui retrace parfaitement 10 ans de carrière. Si vous choisissez de vous intéresser au groupe, c’est l’album que je vous conseille pour vous faire une idée précise de sa musique..

 

Il faudra attendre 1999 et un groooos chèque de la télé suédoise pour voir Europe de nouveau réuni sur une scène, et ce pour deux chansons (The Final Coutndown et Rock the Night), pour le passage à l’an 2000. Ne cherchez pas à connaître ce montant, sachez juste que vous ne pourriez pas le débourser pour qu’ils viennent jouer dans votre jardin pour le barbecue du 15 août.

 

En 2003, Europe se réunit enfin pour vraiment reprendre du service, avec John Norum à la guitare. Il participe à plusieurs festivals, et sort un nouvel album, le premier depuis 1991 : “Start from the dark”. Le son est bien plus heavy, et plus sombre que dans les 80’s. Les hits pour jeunes filles sont très loin, on est plus proche du dark metal que de la variété des années 80.

 

Les albums suivant sont dans cette continuité. En 2006 sort “Secret Society”, puis en 2009 “Last look of Eden”. En 2012, c’est au tour de “Bag of Bones” de garnir la discographie d’Europe. Et il est très probable que d’autres albums viennent s’ajouter à la liste, tant le groupe semble avoir retrouvé une jeunesse et une sincérité qu’on croyait partie à la fin des années 80.

 

C’est là le côté injuste de l’histoire. Europe joue désormais une musique totalement mature, très travaillée. Ils ne seront plus jamais n° 1 des ventes, c’est sûr et certain, et ne se retrouveront plus jamais en couverture de Top 50. Et pourtant, quand on prononce le nom “Europe”, la majorité du public répondra “The Final Countdown”. A croire que cette chanson a fait plus de mal que de bien pour la réputation du groupe …

 

Je sais parfaitement que je ne parviendrai pas à faire apprécier Europe aux personnes qui se sont faites leur opinion, et qui les ont définitivement rangés dans la catégorie “Hard Variétoche”. Je me suis assez pris la tête dans des débats stériles pour m’y risquer de nouveau. Ce qui me fait sourire, c’est que beaucoup de ces gens-là ne jurent que par le “vrai hard rock” représenté par AC DC et Metallica, sans se rendre compte que ces deux groupes ne sont plus que des caricatures, qui sortent certes des bons disques, mais ne sont rien d’autre que des pantins orchestrés par Warner, Columbia et MTV.

 

J’ai eu la chance d’assister à pas mal de concert de hard, mais je garderai toujours le souvenir de ma première fois avec Europe. Ce fut sur le tard, en 2009. Lorsque le festival Hellfest a annoncé la présence d’Europe à l’affiche, j’ai doucement rigolé. “Ouais, ouais, et pourquoi pas les Forbans, tant que vous y êtes …” Et pourtant … la prestation d’Europe reste un des plus beaux moments que j’ai vécu lors d’un concert. Le groupe a mis tout le monde d’accord, et a laissé un souvenir impérissable aux dizaines de milliers de personnes présentes.

 

J’ai revu le groupe en 2013, et sans être sur le cul une nouvelle fois, j’en suis ressorti heureux. Le groupe est ravi d’être sur scène pour son public. Il ne fait pas semblant de s’amuser, il a la pêche, et a su tourner la page pour proposer une musique plus en phase avec son époque, mais ne renie rien de ce qu’il a pu faire dans les années 80.

 

Si vous vous êtes arrêtés à Rock the Night, The Final Countdown et Carrie, jetez donc une petite oreille sur les disques des années 2000. Vous seriez surpris ! Et si vous avez sous la main un pote qui aime le hard rock (je sais, c’est pas facile, l’espèce est en voie de disparition 😉 ), faites lui écouter quelques extraits de Start from the Dark ou de Secret Society, sans lui dire de qui il s’agit. Et regardez sa tête quand vous lui apprendrez qu’Europe n’est pas mort, et qu’il sort toujours des bons disques ! Allez, au boulot, on a un groupe à réhabiliter ! Sinon, retournez écouter Ace of Base !

 

Voir les commentaires !Ajouter un commentaire !! !

 

1 Commentaire

  1. Le groupe Europe m’était inconnu, c’est grâce à la chaine Youtube que je regarde tous les jours, que j’ai fait la connaissance de ce groupe, ils ont énormément de talent et sont de grands séducteurs pour le public, Joey Tempest a une trés belle voix ainsi que son groupe.
    je voulais me procurer un CD de ce groupe mais il en existe plus donc, je serais obligé de commander par internet.
    Cordialement.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*