Après plusieurs années sans arriver à me décider, je me suis enfin lancé dans la lecture de Collector d'Olivier Bonnard, sorti en 2016.
Et je suis furieux envers ces personnes qui rédigent les 4ème de couverture en pensant "Grand Public" en non en pensant au coeur de cible. J'ai eu cette même colère quand j'ai vu le film Nicky Larson : la bande annonce était grand public, et a repoussé les vrais fans de la série. En y mettant du rap, de l'action tournée avec les codes actuels, les fans du manga ont refusé d'aller le voir au ciné, alors que pourtant le film était bon et respectueux du héros qu'on a connu.
Pour Collector, la même chose s’est produite pour moi : en lisant la 4ème de couverture, ça parle de A-Ha, de Balavoine, de Rocky, d'Ethiopie....bref, d'un gros fourre-tout année 80 très "Grand Public", saupoudré du fantasme de remonter le temps pour modifier le passé ... Bref, rien de très novateur pour les activistes Eighties que nous sommes, et de mon côté je me suis dit "Tiens, un roman qui surfe sur nos années 80, un retour vers le Futur du pauvre" ... d'où mes précédentes hésitations à le lire dans un autre sujet.
Et en fait, ce livre est tout sauf grand public, et personnellement, je l'ai vraiment aimé. L'auteur (que je ne connais pas mais qui semble bien réputé dans le microcosme nostalgico-ludique) est visiblement un VRAI enfant des années 80, nostalgique de sa jeunesse et à l'affût des moindres souvenirs de son enfance, des moindres reliques qui pourraient le ramener vers cette belle époque qu'on aime tous.
Il se sert du voyage dans le temps comme d'un prétexte à ses réflexions nostalgiques, et bien souvent, il tape dans le 1000. Là où la plupart des gens ne comprendraient pas l'essence de ce livre, en se contentant de juger ce grand-gosse-pourri-gâté-jamais-content, pas à l'aise dans son époque, misanthrope, NOUS, le coeur de cible, ces enfants de baby boomer ayant du mal avec ce 21ème siècle, on comprend. On approuve, et parfois même on applaudit en lisant ces lignes, où on se dit "Bon sang, mais il pense exactement comme moi !".
Collector n'est pas le meilleur roman de l'histoire de la littérature, mais il est bien écrit, plein de propos dans lesquels beaucoup d'entre nous se retrouveront, et on sent que l'auteur est des nôtres, et pas un opportuniste souhaitant surfer sur la vague pseudo-nostalgique.
Et puis, il nous confirme que le milieu des "Toyhunters", ces collectionneurs de jouets vintage hardcore, prêts à débourser des fortune dans un joujou en boîte immaculée, est un milieu bien moisi, rempli de jalousie, de haine, de convoitise, de complots, et même de menaces ... voire pire. Tous les collectionneurs ne sont pas comme ça, bien sûr, mais certains personnages et attitudes sont dépeints avec un réalisme assez saisissant, qu'on a tous connu un jour ou l'autre dans notre expérience de collectionneur nostalgique (rien qu'à voir certaines critiques de ce livre, ça transpire la haine
)
Et encore, sur Eighties, où on accorde beaucoup plus de places aux souvenirs, aux émotions, qu'aux objets, on est un peu préservé de cet engouement jusqu’au-boutiste pour les vieux jouets, comme on peut le trouver sur Collect'all ou la Malle aux Jouets ... mais les quelques cas bien gratinés qu'on a pu voir ici sont un aperçu des échanges bien musclés et qui parfois tournent très mal, que le milieu des collectionneurs nostalgiques a pu engendrer … et on se met à plaindre les confrères admins de ces forums
En résumé, si vous reprochez plein de choses à notre époque, si vous accordez une place très importante aux souvenirs, si vous idéalisez les années 70, 80, 90 au point de rechercher tout ce qui s’y rapporte … et si vous avez ce fantasme de revivre votre jeunesse perdue … je pense que vous aimerez ce livre. Ne vous arrêtez pas à la 4ème de couverture