Christophe Dechavanne : L’impertinent des 80’s !

Christophe Dechavanne n’est pas ce qu’on pourrait appeler un animateur « typique » des 80’s, comme ont pu l’être Patrick Sabatier ou Stéphane Collaro. Le virage des années 90 a été un peu délicat à gérer, certes, mais il a su revenir en force dans les années 2000. Et ce n’est pas pour rien qu’il s’est refait une place dans l’audiovisuel en présentant des jeux remakés, tels qu’ “Une Famille en Or” et “la Roue de la Fortune”, ou en animant des émissions-Best Of des “100 plus grands …” C’est bien parce qu’à défaut d’en être un représentant emblématique, Dechavanne est un pur produit 80’s.

 Peu de choses prédisposaient Christophe Dechavanne à faire le pitre sur des plateaux télé, ou à y animer des débats houleux. Après une scolarité plutôt médiocre (il n’a pas le BAC, et s’est même fait lourder de quelques écoles et lycées !), puis quelques années dans l’immobilier à retaper des appartements, sans beaucoup d’enthousiasme, il garde un petit rêve au fond de lui, venu de sa maman : devenir journaliste radio.

 “Vous n’êtes pas fait pour ce métier”

 En 1982, il a 24 ans. Un heureux concours de circonstance le fait rencontrer Jacques Esnous, éminent journaliste à France Inter, qui se débrouille pour le faire engager comme stagiaire à Radio 7, l’antenne “jeune” de Radio France (l’ancêtre du “Mouv'”). Sa boss n’est autre que la célèbre Marie-France Brière, au flair inimitable quand il s’agit de mettre le grappin sur des nouveaux talents. Et pourtant, au bout de 2 mois, elle eut ces mots bien cruels : “Vous n’êtes pas fait pour ce métier”. BING ! Viré au bout de deux mois seulement, voilà le rêve de notre ami qui s’écroule. Mais c’était mal le connaître. Déçu, mais pas KO, il repart à la charge chez Radio France, et enchaîne les petits boulots : il annonce les tops horaires, il passe les disques, etc …

Début 1983, il s’auto-délocalise et intègre Radio France Clermont-Ferrand. Il y est animateur de la station locale pendant quelques mois, puis, remarqué pour son dynamisme, est contacté par TF1 pour un projet de jeu pour l’été 1983. “Chouette”, se dit Christophe, “TF1, c’est pas rien quand même, tentons le coup, en route pour la capitale !”. Hélas pour lui, il va vite déchanter !

Un Super Défi, encore mieux l’après midi

Il se retrouve ainsi à animer le jeu “SUPER DEFI” ! Cette émission méconnue est un summum du kitsch, bien qu’elle soit culte pour les fans de retrogaming. Son principe est simple : des candidats qui veulent remporter montzémerveilles doivent se mesurer au champion masqué nommé “Super Défi” … à coup de vieille console (Une Atari 2600 selon toute vraisemblance), sur des jeux préhistoriques type PacMan ou Space Invaders. C’est parti pour les pixels !!

 Et ce sous l’arbitrage de Christophe Dechavanne, qui se demande ce qu’il fout là !! Il en garde d’ailleurs un souvenir exécrable : il faisait une chaleur étouffante sur le plateau, et l’équipe enchainait jusqu’à 12 tournages dans la même journée. Le présentateur, qui n’a jamais été à l’aise avec cet univers vidéoludique et informatique, pète rapidement son câble, et à bout de nerf, scotche (au sens propre) son producteur au mur en l’envoyant paître. Il est viré de TF1, et bien sûr l’émission ne passe pas l’été.

 Retour à la case radio pour l’animateur, mais pour une courte durée, puisqu’il prend part à l’aventure Canal + fin 1984, emmené par le chef de file Michel Denisot. Pour l’émission “7/9”, Il y devient chroniqueur spécialiste des gadgets (un Carmouze avant l’heure !), et Mister Météo aux côté d’un autre jeune présentateur dont vous avez peut-être entendu parler : Alain Chabat !

La rigolote anecdote veut que Christophe Dechavanne fut le précurseur des météos décalées made in Canal+, et n’hésitait pas à “dérider” cette séquence, à coup de blagounettes style “La Loire est en crue, les poissons portent plainte !”. Ça ne vole pas haut, je vous l’accorde, mais ce style façonnera l’esprit météo de Canal+ … L’ironie veut en revanche que le directeur d’antenne de l’époque Jean –Louis Burgat ait recadré Dechavanne, en lui sermonnant que “La météo, c’est du sérieux, et qu’on ne rigole pas avec ça”. Quand on voit ce que sont devenues les présentations de la météo par Canal, on se dit qu’il avait pas tout pigé, ce monsieur !

 En 1985, Christophe Dechavanne suit son petit chemin, s’épanouit, et est heureux de son sort. Son objectif de devenir journaliste s’éloigne, mais il aime ce qu’il fait à Canal. Cependant il rêve d’une émission bien à lui, où il mènerait la danse et dirigerait les séquences. Le Service Public va lui offrir cette opportunité. Il s’agira de son premier contact avec celle qui deviendra sa complice durant de longues années, Dominique Cantien. Cette émission sera “C’est encore mieux l’après midi”. Un talk show quotidien d’une heure et demi, diffusé de 16h30 à 18h00, et destiné à capter la ménagère avant l’arrivée des programmes du soir.

Au programme, on retrouve effectivement plusieurs séquences qui plaisent à ces dames, des recettes de cuisine, de la gym, de l’astrologie avec Madame Soleil, de la mode et, et, et … le Playmec !! La réponse masculine à la Playmate macho de Collaro, une idée géniale pour plaire aux femmes au foyer, qui n’ont pas trop l’occasion de fantasmer sur de beaux collègues, ou des patrons virils. Tout ça avec un invité d’honneur qui accompagnera Dechavanne tout au long de l’émission : Stéphanie de Monaco, Patrick Sébastien, Serge Gainsbourg (une émission mémorable récemment rediffusée sur Télé Mélody), bref, toutes les personnes qui font l’actualité culturelle. Voici pour vous mesdames, un authentique Playmec des 80’s !! Tendez l’oreille, et régalez-vous des commentaires de Gainsbarre, FA-BU-LEUX !

 

 La mayonnaise prend bien. Christophe Dechavanne devient une vedette du petit écran, son improvisation (les émissions se passent en direct) et son dynamisme impertinent plaisent aux téléspectateurs. Et pas qu’aux femmes ! Un petit fan club voit le jour, et il est de plus en plus reconnu dans la rue. Et malgré les inconvénients que ça engendre, il aime bien ça !


Durant deux ans, il animera cette émission, toujours en direct, toujours avec plus d’aisance. Rapidement, il devient bien plus que “l’animateur”, et insiste pour avoir son mot à dire sur les invités, les séquences, les enchaînements. Dominique Cantien le laissera faire, et ce choix sera payant, les sondages Médiamétrie se bonifiant au fil des mois. Et surtout, à force de recevoir une quarantaine d’invités et d’intervenants par semaine, Dechavanne se constitue un réseau long comme le bras, qui lui sera très utile pour la suite.

 Bienvenue sur la Une !

Tant et si bien qu’il est vite repéré par la machine TF1, nouvellement privatisée, et tout particulièrement par Francis Bouygues himself. Bouygues VEUT Dechavanne, et Dechavanne veut des nouveaux challenges. Après avoir tiré la sonnette d’alarme à Antenne 2 des dizaines de fois pour avoir, à défaut d’une grande reconnaissance, au moins un entretien avec sa hiérarchie (le patron de la chaîne ne le reconnaît même pas dans les couloirs), il démissionne de la 2 en juin 1987, et intègre la chaîne de Boulogne Billancourt le même été. En grande pompe : il arrive dans la propriété de Bouygues en hélico pour signer son contrat (un cadeau de bienvenu demandé par l’animateur, gonflé, hein !?!). Quatre ans après son Super Défi bien loupé, il revient sur la première chaîne avec un tout autre statut.

 L’émission envisagée pour lui est une variante de “C’est encore mieux l’après-midi”, elle s’appellera “Panique sur le 16”. Il s’agit là aussi d’un talk show d’après midi, qui débute en septembre 1987. Et qui, selon la formule appropriée, ne passe pas l’hiver. Le programme est décevant, n’apporte rien de plus que « C’est encore mieux … », et l’audience n’est pas au rendez-vous. Et le pire, c’est que le principal intéressé apprend la fin de son émission par une dépêche AFP, et l’a un peu mauvaise.

Il veut alors immédiatement plancher sur un nouveau projet. Il n’a pas envie de faire partie de ces animateurs mis dans un placard, percevant leur salaire sans rien faire. Le problème, c’est qu’il n’a aucune idée de ce qu’il va bien pouvoir proposer à Mougeotte et Le Lay. Il a beau se réunir avec ses collaborateurs et enchaîner les brainstormings, rien ne vient.

 Rien ne vient … sauf une petite idée qui murit doucement, doucement … une émission pour la jeunesse, au ton léger mais sérieux … et qui deviendra un des programmes les plus attractifs de l’audiovisuel français : Ciel, Mon Mardi ! Une aventure que nous vous invitons à vivre dans cet article, si ce n’est déjà fait !!!

Débutée en 1988, cette belle histoire dure 4 ans. Les meilleures choses ayant une fin, il fallait bien que ça arrive : en 1992, « Ciel, Mon Mardi ! » tire sa révérence.

 Christophe Dechavanne a fait le tour de la question. Il pense alors avoir épuisé les sources de débats, et au bout de 4 ans d’une aventure sans pareille, la routine menace, et il n’y a rien de plus détestable pour lui. D’autant plus que TF1 lui promet la case horaire qu’il attend depuis longtemps : l’access prime time quotidien, la tranche horaire juste avant le 20h. Il va y faire ce qu’il aime le plus : un Bloc Note géant qui s’appellera « Coucou, c’est nous ! ».

Au programme : un invité qui va parler de son actualité, des tests de Carmouze, des jeux et quiz, des chroniques de Fofivavier … Et l’émission, de nouveau, cartonne de plus belle. Placée directement en concurrence avec « Nulle Part Ailleurs », elle en reprend les principes de chroniques et d’interview, à la sauce « ménagère qui regarde TF1 ». Rien ne résiste à l’animateur, qui se retrouve au sommet du PAF.

  « Coucou, c’est nous ! » dure deux ans. De plus en plus pressé, et éreinté par l’infernal rythme quotidien, notre animateur vedette se voit confier en septembre 1994 la tranche horaire vedette de l’audiovisuel français : le Prime Time de 20h30 sur TF1. La consécration, puisque c’est l’horaire privilégié occupé depuis longtemps par les Drucker, Foucaud, Sébastien, ou Sabatier (même si ce dernier a laissé une place libre depuis 1991).

Les équipes de C. Dechavanne vont malheureusement connaître une incroyable désillusion. « Tout le toutim », une émission de talk show divertissement, fait un bide retentissant, et se voit tout simplement déprogrammée au bout de 4 émissions ! Suprême humiliation, Patrick Lelay, PDG de TF1, qualifie Dechavanne d’accident industriel. En à peine quelques semaines, Dechavanne passe du statut de star de l’audimat à indésirable sur la première chaîne. Mais le bougre ne se laisse pas faire. Il exige de reprendre l’antenne, et parvient avec TF1 à un compromis : le retour de « Coucou c’est nous ! » début 95 … qui sera tout simplement renommé « Coucou ! ».

Hélas ! La recette ne prend plus, et Coucou est à son tour annulé, les téléspectateurs n’étant plus séduits par les vaches, cochons ou chimpanzés et leurs grosses coucougnettes, et préférant se tourner vers Michel Drucker et son « Studio Gabriel », ou vers « NPA ». Nouvel échec pour l’animateur … et début d’une très longue traversée du désert.

 Car tout ce que Christophe Dechavanne tentera durant quasiment 10 ans sera au mieux une bonne expérience non renouvelée, au pire à un cuisant échec. Ce fut le cas de « Comme un Lundi », une émission de débat (rappelant beaucoup CMM) en 1996, ou de « Téléquanon » et « Du fer dans les épinards », deux émissions hebdo sur France 2 qui ne sont pas renouvelées fin des 90’s.

 Début 2000, notre ami n’en mène pas large. Petit à petit, il est oublié des plateaux, boudé par le public, et même son remplacement de Philippe Bouvard aux « Grosses Têtes », dans le cadre du rajeunissement de l’audience entrepris par RTL (un autre accident industriel) est stoppé au bout de 3 mois. Il reprend alors du service sur TF1 pour « Ciel Mon Mardi, le retour » … qui ne séduit ni la chaîne, ni le public. A croire qu’il est maudit !!

 Il revient un peu par hasard sur TF1 en 2003, grâce à la TV réalité : tout d’abord avec « Nice People », puis avec « La Ferme Célébrités », avec son compère de toujours Patrice Carmouze. Il retrouve ses marques, reprend goût à l’antenne, et retrouve des audiences conformes à son statut. Il présente alors au cours des années 2000 de nombreuses émissions telles que « Les soirées de l’Etrange », ou les « 100 plus grands … », plusieurs bêtisiers géants aux thèmes variables.

 En parallèle, Christophe Dechavanne présente des versions réactualisées de deux célèbres jeux TV des années 80/90 : la Roue de la Fortune, et Une Famille en Or. Ces deux émissions n’ont plus grand-chose à voir avec leurs grandes sœurs : le ton est différent, les candidats grotesques de « m’as-tu-vusme » et de pathétisme, et tout est fait pour exagérer les interventions. Avis complètement subjectif, mais apparemment totalement partagé sur notre forum J

Cependant, la majorité l’emporte, et le public adhère à tout cela, ce qui permet à M’sieur Dechavanne de redevenir un des présentateurs phare de TF1. Ne cherchez pas de photo de Victoria messieurs, nous avons choisi de ne pas illustrer l’article avec des photos des années 2000

 Happy End donc pour ce trublion de l’audiovisuel, ayant su complètement rentrer dans le moule TF1 à la sauce 2000 pour reconquérir un statut qu’on aurait pu penser perdu à jamais. Et pour ma part, je ne peux m’empêcher d’être heureux pour lui. Même si ses émissions sont à 1000 lieues de la télé que j’aime, même si les deux jeux susnommés m’ont atterré, je garde une affection et un respect pour Christophe Dechavanne. Parce qu’il a fait des trucs jamais faits avant, il a fait avancer la télé à l’époque, et a toujours assumé ses choix, ni jamais esquivé ses échecs. Il a inspiré plusieurs animateurs réputés impertinents, Nagui ou Cauet pour ne citer qu’eux.

Je n’oublie pas non plus que c’est l’instigateur du Sidaction, qui a beaucoup fait pour la lutte contre le SIDA et l’acceptation des séropositifs dans la société, et que le seul combat un tant soit peu politique qu’il ait mené est l’insistance auprès des différents ministres de la santé pour généraliser le préservatif à 1 franc.

Alors, même si je ne fais plus partie de votre public, parce que tout simplement la télévision actuelle ne me correspond plus, je vous souhaite une très belle continuation de carrière, M’sieur Dechavanne, même si vous n’avez plus une émission à scandale !

On se quitte avec un des génériques les plus typés 80’s qu’il m’ait été donne de voir … probablement conçu par un stagiaire en audiovisuel avec pour seul matériel une caméra Super 8 et un MO5 ! C’est encore mieux l’après midi !!


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