L’émission “Moi je”, le samedi soir sur Antenne 2 !

Il y a quelques temps de cela, j’avais pris la plume pour vous parler d’une fresque documentaire s’étalant sur plusieurs années, qui nous plongeait en immersion dans la vie d’enfants et d’adolescents des années 80 : “Que deviendront-ils”

Bien que le rapport soit assez lointain, je n’avais pas pu m’empêcher lors de la rédaction de cet article de penser à “Moi je”, une autre émission des années 80, qui elle aussi nous faisait rentrer dans le quotidien de dizaines de français, moyens ou non, anonymes ou non, en abordant une foule de sujets de société typiquement 80’s, et en faisant voler au passage bon nombre de tabous hérités des décennies précédentes.

“Moi je” n’était pas une émission à proprement parler : pas d’animateur, pas de débat, pas d’interaction avec le public. Il s’agissait d’une suite de mini reportages mettant en  avant des sujets dans l’air du temps, ayant trait aux mœurs, à l’art de vivre, ou à une passion inhabituelle. Selon les émissions, le nombre de reportages oscillait entre 3 et 5.

Diffusée mensuellement de 1982 à 1987, “Moi je” à pris le temps d’aborder une grande quantité de sujets, en faisant témoigner toutes sortes de protagonistes, le plus souvent Monsieur et Madame Toutlemonde, du moins en apparence … Mais j’y reviendrai 😉

On doit le concept à une forte personnalité du petit écran, une figure des émissions atypiques, Mme Pascale Breugnot. Vous avez forcément entendu parler de cette productrice qui est à l’origine de plusieurs émissions assez audacieuses des années 80, telles que Sexy Folies (Oui, je sais, arrêtez de râler, vous l’aurez un jour votre article ;-)), ou le très controversé Psyshow. Cette émission a même fait l’objet d’un débat à l’Assemblée Nationale, qui se demandait jusqu’où la télé pouvait aller dans l’exhibition de la vie privée.

Mais qu’importent les polémiques, Pascale Breugnot, au milieu des années 80, ose le subversif, le transgressif, et le provoquant. “Moi je” ne fera pas exception à la règle, et aura son lot de critiques et de détracteurs, qui reprocheront au programme un aspect voyeuriste, et dérangeant.

Antenne 2, qui diffuse le programme un samedi par mois, en seconde partie de soirée, se défend en arguant au contraire qu’il s’agit de documentaires sociologiques, destinés à libérer la parole des Français, et à présenter une peinture de leur époque.

Alors qui croire ? Voyeurisme ultime ou étude sérieuse sur les faits sociaux des années 80 ? Je pense que la vérité doit grosso modo se situer au milieu (le mec, il se mouille pas… ).

En 1986, nous sommes avant la privatisation  de TF1, et c’est Antenne 2 la chaîne qui ose et qui joue la carte de l’audace, en s’asseyant régulièrement sur ses missions de service public ;-). La deuxième chaîne n’hésite pas à programmer des émissions “à la limite des bons usages”, mais garantissant des cartons d’audience. Cependant, définir “Moi je” uniquement comme un programme racoleur est injuste.

On a  beaucoup reproché à “Moi je” d’être une compilation de reportages traitant d’amour et de sexe (jetez un coup d’œil sur la page Wikipedia de l’émission, vous aurez un bel exemple de synthèse incomplète et très réductrice). Même si bon nombre de sujets se situent allègrement au-dessous de la ceinture (les fantasmes féminins, la sexualité après 70 ans, ou le téléphone rose, pour n’en citer que quelques uns), on a pu voir pas mal de phénomènes de société abordés sous un angle nouveau, comme l’invasion de la télévision dans les familles, ou les relations parents-ados en pleine mutation.

Et quand bien même, les reportages traitant d’amour et de sexe étaient présentés sans vulgarité (mais avec juste ce qu’il faut de voyeurisme 😉 ), en abordant un angle résolument sociétal. Lorsque la caméra interroge une femme sur ses fantasmes, elle prend soin de décrire le contexte de l’époque, comme la libération des moeurs post-soixante-huitarde, ou la désacralisation de la famille. Idem pour le thème (délicat) de l’homosexualité, et de son malheureux corollaire de l’époque le SIDA : on y trouve certes un peu d’extravagance racoleuse, mais principalement une parole qui se libère, des gays qui se soulagent et qui se racontent pudiquement.

Dans le même genre, on a pu découvrir des reportages sur les aventures d’un soir, le Minitel Rose (à la fois drôle et touchant), la sexualité des adolescents, et à l’inverse celle des seniors. Et on se rendait compte que M. Et Mme Toutlemonde ne l’était pas tant que ça 😉

D’autres sujets beaucoup plus légers étaient abordés. Le plus légendaire de tous étant le “Marathon de la danse”, un reportage tellement clichesque qu’on en croirait un sketch, et pourtant tout y est véridique !

On y découvre un florilège de danseurs tous plus pathétiques les uns que les autres, des chorégraphies hautes en couleurs … et en ringardise. Je me souviens aussi d’un reportage sur “Les crades”, une immersion chez des gens qui avaient oublié le sens du mot “Se laver”, et qui avaient choisi de vivre dans la saleté. Je crois que c’est après le visionnage de cette émission que je n’ai plus rechigné à passer sous la douche, ou à me brosser les dents 😉

Les reportages étaient signés par de jeunes réalisateurs inconnus, et étaient tournés soit à la manière d’interviews brut face à la caméra, soit au contraire comme des courts métrages, avec scénarisation et maquillage. Le point commun de ces séquences étant qu’ils abordaient tous des faits sociaux, en pointant le contexte économique et social, et souvent l’héritage des générations précédentes.

Il est par exemple intéressant d’étudier ces sujets sur les jeunes femmes qui n’hésitent pas à parler face à la caméra de leur émancipation, leurs fantasmes, leurs aventures d’un soir. Ou ces quinquagénaires qui cherchent l’amour sur le Minitel.

L’habillage de “Moi je” était pour le moins dépouillé, à l’image du concept qui voulait que les gens se mettent à nu (au sens figuré) devant la caméra. Le générique et les jingles qui séparaient les reportages étaient volontairement minimalistes, et inscrits dans ces années 80 qui, au delà de 30 ans plus tard, s’affirment comme la marque de fabrique de “Moi je”.

Et encore plus qu’à l’époque, ces reportages se consultent aujourd’hui comme une véritable petite encyclopédie du mode de vie des eighties. Chaque séquence est à sa manière un précieux baromètre de la société des années 80, et une mine d’informations sur ce que la fin (poussive) des trente glorieuses a apporté, cumulant le rude lendemain de mai 68 et les premiers effets de la crise pétrolière.

Vous trouverez sans trop de problème quelques séquences de “Moi je” en cherchant sur votre moteur de recherche vidéo favori. Mais c’est sur le site de l’INA que vous dénicherez les reportages les plus intéressants, soit gratuitement, soit en échange de quelques deniers.

Et vous pouvez me faire confiance, pour tout archéologue des 80’s ou sociologue de ces belles années, l’investissement vaut largement le coup !

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