Je voudrais quand même revenir un peu plus longuement sur ce pan de ma jeunesse qui a grandement contribué à me faire aimer la BD européenne, notamment. Car si je trouve aujourd'hui que les trois principales formes de BD sont la franco-belge, le manga, et les comics (via la maison d'édition Lug), à l'époque, c'était autre chose, et j'étais plus sensible à Disney (Picsou magazine, Mickey Parade, le Journal de Mickey et celui des Castors Juniors), à Télé Junior et Télé Parade, et donc à Pif Gadget (et toute la clique des Pif Parade, Pif Poche, etc). Spirou et Tintin viendront tout petit peu plus tard, mais ils avaient quelque chose de presque trop sérieux en comparaison, sans parler des moins connus comme Pepito ou déjà vieillissants tels Bibi Fricotin et les Pieds Nickelés.
J'avais la chance de recevoir un peu tous de tous ces journaux, et la question de Disney capitaliste ou Pif communiste n'entrait absolument pas en ligne de compte, je n'y aurais sans doute rien compris si on me l'avait alors expliqué. Pif avait un côté un peu magique du fait de son emballage protégeant le gadget qui empêchait d'en connaître le contenu (du journal, pas du gadget) avant de l'avoir ouvert, c'était presque comme un cadeau de noël. Il y a quelques temps, lorsqu'ils ont relancé la formule, un numéro proposait un gadget que je n'avais jamais eu et qui m'avait fait rêver en son temps : le coutelas et le collier de griffes (et non pas de dents comme l'affirme Patrick Bosso) de Rahan. J'étais bien content, mais j'ai été aussi super déçu par le contenu et par les BD proposées. Etait-ce moi qui avait grandi, mes goûts qui avaient évolué ? Certainement, mais en même temps, je me souvenais bien des anciennes BD, et pour moi, ça ne pouvait pas tout expliquer.
Et donc, aujourd'hui, même si je sais que d'autres l'ont un peu fait avant moi, je voudrais évoquer toutes ces BD, à commencer par les aventures de
Pif et Hercule avec sa petite famille (
l'oncle, la tante et leur fils), mais aussi le professeur
Belpomme (
dont je n'ai jamais oublié son invention du gazon comestible), le vieux lunatique dont j'ai oublié le nom, l'affreux
Krapulax, et son sbire,
Gnom.
Hercule vivait aussi des aventures en une planche tout seul avec son pote roux et le gardien du square (Bazar de grumlot!) ainsi que le jardinier, aventures dessinées par Yannick. Il y avait aussi
Pifou, d'abord présenté comme le fils de Pif, et son acolyte Brutos, mais aussi
Léo bête à part, qui cherchait toujours à échapper au gardien du zoo. Quelqu'un a déjà évoqué
Top,
le papa de Pif, que j'ai personnellement découvert dans un
numéro spécial. On suivait les aventures du
Docteur Benjamin Justice, qui a même eu les honneurs d'un
film, il me semble me souvenir d'un passage de la BD où Justice est prisonnier dans une pièce dont le plafond est fermé par une grill avec des crabes et la marée montante, et bien sûr des combats de karaté, et des conseils de son maître façon Kung-fu... Je pense aussi bien sûr à
Rahan, le fils des âges farouches, évoqué plus haut, avec le fameux épisode de la mort de Rahan, reprise dans le numéro spécial. Rahan est le fils d'un couple de chasseurs blonds dévorés par les goraks (tigres aux-dents-de-sabre), et recueilli par Crâo le sage, chef du clan du Mont Bleu. Lorsque ce dernier entre en éruption, Crâo, coincé sous un rocher, ne peut s'enfuir et offre à Rahan son collier aux cinq griffes correspondant chacune à une vertu selon la quelle vivre sa vie. Rapidement, Rahan s'empare (oui, il le vole) du coutelas d'ivoire, qui dans chaque épisode lui indique la direction à prendre. Rahan symbolise à lui seul la curiosité humaine, la soif d'apprendre, de comprendre et de partager. Voyageant à la recherche de la « tanière du soleil », il fait sans cesse de nouvelles découvertes qu'il partage avec les clans qu'il rencontre, leur permettant parfois d'évoluer vers une vie plus civilisée. Et puis un jour, il rencontrera la mystérieuse Naouna, femme (d'abord) masquée, mais ceci est une autre histoire...
Il y avait aussi
Masquerouge, série dont les auteurs, Cothias au scénario et Juillard au dessin, n'avaient pas encore tiré leur immense saga des sept vies de l'épervier.
Masquerouge est un bandit masqué dans la France du 17ème siècle, qui continue de sévir alors que la rumeur le dit mort tombé d'une falaise... En vérité, la baronne Ariane de Troïl a repris le flambeau, assistée par son fidèle Germain...
Moins connu,
Cogan, baroudeur écolo (enfin, dans mes quelques souvenirs), lutte contre les braconniers.
Sylvio, dessiné par Luguy, à qui l'on doit également l'excellent
Percevan, nous faisait découvrir le monde des insectes. Poirier, un artiste trop tôt disparu, contait avec humour les aventures d'
Horace, le cheval de l'Ouest, et de
Supermatou (et de son fidèle Robert, luttant contre l'infâme bébé Agagax).
Dicentim, le petit franc (par Kamb), se montrait plus ingénieux que Bougredane pour conseiller le roi Poilenpogne (encore un roi fainéant), et concluait la plupart de ses planches par un sempiternel : « Bougredane et Bougre d'andouille ne font qu'un ». Mais Kamb est aussi l'auteur d'une autre BD que j'aimais beaucoup :
Zor et Mlouf contre 333. J'avoue, ce n'est que récemment que j'en ai retrouvé le titre, mais les images de ce truc bizarre ne m'avaient pas quitté^^ ;.
Je me souviens encore de
Tarao, l'enfant sauvage, du même Marcello à qui l'on doit le Docteur Justice, et de
Taranis, fils de la Gaule, et de son bracelet qui fit l'objet d'un gadget sympathique, mais aussi du délirant
Cocco Bill, de l'italien fou Jacovitti, western salami fourmillant d'inventions loufoques. Régulièrement, Pif-gadget se terminait par
une enquête de Ludo, BD-jeu dans laquelle il fallait trouver le coupable et l'indice. Je me souviens aussi de Cézard, un autre très bon dessinateur, à qui l'on doit
Arthur, le fantôme justicier, et
Surplouf (et ses corsaires). Puisqu'on parle de corsaires, il y avait aussi
Marine, fille de pirate, dont l'auteur est également celui du duo de cow-boys
Smith et Wesson ! En vrac, je pense encore à
Yvain, le chevalier au lion, qui recherchait par épisodes d'une planche un chaudron d'abondance, si ma mémoire ne me trompe pas, et dont le cheval avait le crin fourni.
Placid et Muzo figuraient parmi les classiques, ou encore
Salut, Minium ! Tabary a également connu les pages de Pif-gadget avec
Totoche, et son « spin-off » hilarant
Corinne et Jeannot ! Il y avait aussi dans Pif les courses de
Manivelle et son Camélécamion ! J'adorais aussi les aventures d'Okada, le papoose fils de Johnny l'irlandais et de Iowa la douce, don les pages se concluaient invariablement par « ...mais il ne savait pas qu'un jour, il deviendrait «
Capitaine Apache ») », jusqu'à ce qu'un encart spécial raconte effectivement cette histoire dans laquelle, croyant avoir perdu ses parents, Okada s'engage dans l'armée nordiste...
C'est dans Pif que j'ai découvert Léonard, par Turk et De Groot, auteurs de Robin Dubois :
Léonard est un génie dont le passe-temps est de trouver de nouveaux moyens de réveiller son disciple pour essayer sur lui toutes sortes d'inventions. D'abord série de gags, une première aventure longue d'un album « la guerre des génies », verra s'installer un rival pour Léonard...
Gotlib est également passé par la case Pif, où son
Gai-Luron a pu grandir avec ses amis Jujube et Belle-Lurette, avant de prendre une tournure moins adaptée à un magazine pour les plus jeunes.
J'ai oublié d'évoquer
les Rigolus et les Tristus (également de Cézard), respectivement en rouge et vert, et passant leur temps à essayer de faire rire ou pleurer ceux de l'autre tribu, les transformant du même coup en membres de leur propre camp. Je me souviens que le chef des Tristus s'appelait Taciturnus, tout un programme ! Enfin, il y avait
la Jungle en folie, tranche de vie des animaux de la jungle menés par Joe le tigre...
Ce sont pour l'essentiel mes souvenirs de BD de Pif, et c'était bien cool.
Vous souvenez-vous qu'on appelait les fans de Pif « Pifophiles ?
(Enfin, bref, je ne me souviens plus exactement quel a été mon premier Pif, mais je suis sûr d'avoir eu celui avec la lunette astronomique :
Pif gadget n°416)